bière-frites

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Texte de Yves Tenret, 1975

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un bouillonnement de mots qui s’écrasent sur leur indifférence, un nouveau, une montée de sève. un printemps indécent, l’opposé de la tautologie sordide qui nous glace bégayant sur nos bancs jours après jour : – c’est écœurant. la lumière est raide. terrorisme pour le ménage, l’école, le bureau, l’usine et les bricoleurs, le rouge c’est bon pour nous autres schizophrènes. dur, mon pote, dur ! mettez la question de l’existence quotidienne à l’ordre du jour.
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rien.
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au-dessus du lit une citation écrite à la peinture à doigts: « j’aurais voulu t’offrir 100.000 cigarettes blondes… l’appartement de la rue de seine… un petit bouquet à quatre sous. achète toujours les fleurs, je te rembourserai ». extérieure, tout en la sachant fausse, cette vision, de deux corps ataraxiques et aponiques. en définitive, pourquoi dorment-ils ? ah, mon vieux, ne jamais aller à la ligne, être elliptique, ou mieux évasif, cesser de se prendre au sérieux, hein p’tite tête! pouvoir éclater franchement de rire, se mordre la lèvre dans un sourire de contentement. obsédés de la normalisation, je vous emmerde, au solstice d’hiver, l’harmattan atteint parfois la mer. la jeune fille se dandine, elle tourne son cou, ses seins sont comme les boules d’indigo, ses seins sont comme les étoiles du matin, son ventre est comme la sandale peule, son nombril est comme la tête d’une gourde, sa hanche est tatouée.
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« ce qui fait l’essence d’un homme c’est l’ensemble des relations humaines qu’il entretient. » karl marx. gens ! bonnes gens. cette angoisse de la reconstruction. nous on déconstruit. ce matérialisme est celui d’un travail sur le matériaux qu’on-je m’a suis donné : la langue. le refus du littéraire, du rien dire et là faut être clair s’agit bien du rien dire sans joie, sans délire, du rien dire surmoïque, du rien dire passeport, laissez-passer, laisser-faire, laisser-aller. en moins de mots: une démangeaison. des gros comme ça. irrécusable thèse du trop plein schizoïde et du dérisoire espoir de finitude. nous sommes discontinus, rien n’est idéologiquement neutre et surtout pas la syntaxe.
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on n’a même pas encore rêvé la liberté, libérez l’esprit, le cœur, la chair , ne pissez pas dans le ciel. arthur rimbaud.
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où ça grince. … la propagande faite par saigon sur le nombre fantastique de blindés et autres engins qu’était censé détenir l’adversaire faisait souvent l’effet d’un boomerang en suscitant l’effroi parmi ses propres troupes, un des nombreux exemples de ce phénomène fut la chute de tam-ky, chef-lieu de district côtier du vietnam du centre, les défenseurs sud-vietnamiens s’enfuirent à la vue des phares de camions du front maquillés et chargés de haut-parleurs qui reproduisaient le bruit de chars d’assauts en marche !
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masque, carouge n’est pas une ville idéale. aisance, risque, habilité. il faut savoir jouer son reste et le jouer au plus fin. et s’il y a, il y en a, du jeu dans le système à nous de nous y glisser pour que cela grince. faites vos jeux ! rien ne va plus, spasme, transe, étourdissement. rien ne va plus, cent mille parisiens consultent chaque jour six mille devins, voyantes ou cartomanciennes. le vertige se substitue alors au simulacre et comme en avertit la cabale, à jouer au fantôme, on le devient.

bière-frites, Nous n’avons rien à perdre, n°1, Lausanne, novembre 1975.

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