Troisième flamme

mer.jpg
Par David Yon, 2004

1.

Le silence de la mer
m’incorpore
aux souffrances d’autrui

Dans le jardin,
les alignements
séparent l’espace

Nous sommes en attente

Une femme âgée tente d’arracher une rose

Rien qu’un souffle

L’écho en moi

2.

Le secret de l’homme, ce n’est pas ce qu’il montre mais ce qu’il ne peut pas dire.
Le secret du temps qui déborde. Regarder, attendre et apprendre. Celui qui tue, c’est peut-être moi.

Le point d’impact du corps sur le sol où l’homme meurt.
La chose se délie.
Qu’est-ce qui se propage ?

Faire l’épreuve de son œil qui se pose.
Ouvrir et transmettre la brèche.
La vérité se souffre.

3.

« Si l’on souffle sur un miroir, on ne voit plus l’image du reflet, on voit de la buée. Si on trace un trait avec son doigt sur le miroir embué, on voit un peu
de l’image réapparaître. L’image, c’est le sens. La buée, c’est l’émotion.
Faire un film, c’est effectuer un réglage minutieux entre le sens et l’émotion. »

Alain Françon

4.

« Si les choses sont trop concrètes, elles sont enfermées dans ce sens.
Si les choses sont trop abstraites, on est perdu.»

Robert Kramer

5.

Le son n’est ni abstrait ni concret, il est réel.
Le milieu dans lequel nous baignons. L’emprise par le fond, l’atmosphère. Ca
oscille, ça vibre, ça se déploie.
L’espace sonore, un lointain proche, gargouillis inquiétants du corps.
Au centre, un cœur, qui bat.
Sa voix traverse l’espace.
Porosité.
Si je ferme les yeux, la violence est toujours là, je l’entends.
Si je me bouche les oreilles, la violence disparaît, douceur de ce que je vois.
Le son nous pénètre tandis que l’image est à distance.

6.

« Je m’intéresse beaucoup à la peinture. Et dans la peinture, il y a quelque
chose qui est passionnant,c’est le moment où la peinture a quitté la
figuration -donc l’importance du sujet et des personnages -pour rentrer
dans l’abstraction. Si vous prenez une toile de Manet, si vous retirez le
personnage en avant-plan,vous avez une toile abstraite de Rothko derrière.
Je pense qu’au cinéma en réduisant le sujet et les personnages, on rentre
dans le fond. Le film a une espèce d’abstraction que constituent ce désert
et ce décor et qui,en même temps,par la bande-son,nous fait pénétrer
l’invisible, le mystère,toutes les choses insondables et dont je peux
difficilement parler. Quand je filme, je vois qu’il y a des choses dont je ne
peux pas parler mais qui sont là. Il se passe quelque chose. Il y a un fond. Ca
c’est extraordinaire. »
Bruno Dumont, entretien diffusé sur Radio Libertaire

7.

Un jour, un ras de marée amena un corps
Il resta là, dos au ciel
Des enfants dessinèrent son visage sur le sable

L’envoûtement des formes
Des visages comme des paysages

8.

mer.jpg

9.

 

10.

La vision d’un groupe de chiens qui prennent le pouvoir.
La nuit, ils errent à la recherche du reste.
Un peu de toi est resté dans ces rues de terre.
Les sons irriguent l’espace. Il n’existe pas d’ombre du son.
L’amour se tient là,
comme une faille à travers laquelle l’âme peut s’élever.

Autour de la flamme vacillante, l’espace lumineux raconte une histoire
toujours nouvelle. Eternelle première fois.

Au-dessus de nous, les étoiles dressent un visage.

Le paysage se tait et pourtant rien n’a bougé.
Il s’agit juste de la lumière qui a changé.
Un paysage de dos éclairé par la lune.

A la recherche du reste, dans la plaine,
les points lumineux évoquent le squelette d’un organisme mouvant.
Je suis un peu de cet organisme. Un corps allongé sur la pierre.
L’autre attend. Il respire. Je pense à lui.

Un jour, je ne verrai plus cette colline.
Un jour, je n’entendrai plus la rivière.
Un jour, je rejoindrai le vent.
Et l’amour dans l’air n’aura plus de nom.
Personne ne saura.
Tous comprendront.

_
_

Grenoble, novembre 2004

Aucun article à afficher