Tchine Yu-Yeung, J.-R. Hissard, P. Tual & B. Dogrusoz

Textes d'Yves tenret publiés en 1983, 1991, 1995 et 2004.

Tchine Yu-Yeung.

Fétiche : Personnel. Existentiel. Du kif. On touche dans la poche. Mi honteux, mi attendri. Porte-bonheur. Nostalgie de ce que l’on pourrait être. Mascotte. Retour du même. Feu ! Irresponsable, intuitive, immature, rêveuse, faiseuse, faible. Pâte décadente. De la meilleure. L’original. Chaque élément vit sa vie. L’objet poli. Des amulettes. Des âmes. Des maléfices. Respect des rites. Les outils. Le métier. L’oiseau. Le plus dans le moins. Bords de cadre. Les matières. Tout fait forme. Tout rapport, entre au moins deux formes, fait sens. Morcelle. Croyance délicate. Énergie éparse. Trouble sur le format. Minuscule. A caresser. Art de chasseur (V. Ironie). Tatouage. Scarification. Réceptacle. Rêve calme. Descente du verbe. Fétiches chébrans. Néons. Bribes. Crayons obliques. Fragments. Effacement. Brutalisme. Naïvisme. Blanchisme. Lesti ! Le danseur ne se confond pas avec ce qu’il manipule.
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ANT. La valeur d’échange.
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V. Fiction, frivole, goutte, Mickey, nuage, puzzle, rêve.

Fiction : Dans le dos, l’obscène. Sous le signe de l’effacement. Une série à la mine de plomb : rien se raconte. Apparences. Cris. Jeux d’enfants. Piaillements. Du perçant au rauque sur fond de chuchotements. Rire étouffé. On sent la retenue. Ça murmure. Ça se sait comme séduction. Désamorce l’avidité. « Séduction. Mots polluants à réfèrent invisible et introuvable. Illisible. Complexe. Le meneur fort en gueule. Tâcheron au point de vue parcellaire ». Monde sans centre où le centre n’est pas le centre. La couleur. Le plein, le vide, le maculé. Le voile. La disparition. L’accumulation. Glace opaque, flammèches. Des éclaboussures. Les échelles. Le bavardage des matières entre elles. La cruauté. Mickey léchés, verre brisé. Un nuage coloré dans une tasse de lait. Il tourne. Ça rêve. Vieux murs. L’échappée belle de bords de bords. Mon œil ! Ombres et mystères. Beaucoup d’ironie. Aucun cynisme. Identité. Une chaussure fétiche qui ne veut pas disparaître. Un iris. Membrane, fleur, arc-en-ciel. A chacun ses risques, sa lutte contre son propre tempérament.
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ANT. Réalité, vérité.
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V. Fétiche, frivole, goutte, ironie, Mickey, nuage, puzzle, rêve.

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Frivole : Bagatelle. Fanfreluche. Bulle d’air. Farfelu. Ornement léger. Espiègle. Vif, malicieux, sans méchanceté. Désamorce le commentaire. Grande travailleuse à de petites besognes. En jeu dans le futile. Transition, passage, dissolution plutôt que lien. Désireux de plaire. Immatériel. Lisse. Translucide. Fragile, fugace, précaire. « Mes baisers sont légers comme ces éphémères /Qui caressent le soir les grands lacs transparents ». (BAUDELAIRE). Regards appuyés, rien n’accroche, frémissements chuchotes. A peine étreint. En surface. Inarticulé. De la croyance : le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom. L’être sans nom est l’origine de toutes choses. Le non représenté, tout comme le non agir, est puissant. Vide. D’un usage inépuisable. L’utilité vient de l’être, l’usage naît du non-être. Incolore, aphone, incorporel et tout aussi bien coloré, incarné, presque bavard. Une tension. Five easy peaces. La gamme.
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ANT. Grave, sérieux.
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V. Fétiche, fiction, goutte, Mickey, nuage, puzzle, rêve.

Goutte : « Une fois, par un temps de dégel, l’écorce des arbres suintait dans la cour, la neige sur les couvertures des bâtiments se fondait… Elle était sur le seuil ; elle alla chercher son ombrelle… Elle souriait là-dessous à la chaleur tiède ; et on entendait les gouttes d’eau, une à une, tomber sur la moire tendue ». (FLAUBERT). Petite quantité de rosée ou de sang. Deux dans la mer. Et ici rien de ce qui s’assemble ne se ressemble. Une larme seulement… N’y voir goutte. Bribe. Fragment. Parcelle. Restes insignifiants. Ça chuchote. Muette opacité. La trace pour elle-même. Pas d’aplat. Tout est strié, pointillé, hachuré, maculé, recouvert, brûlé, gratté, colorié. Rien n’est lui-même. Ça fait des manières. La coulure de peinture qui ailleurs exprimait la vitesse d’exécution, la tripe et une vague brutalité, ne parle plus que pour elle-même. Temps plus qu’espace. Association suspendue, nuage, possible. Brouillage. Gouttes figées. Gouttes déchiquetées. Calligraphie.
ANT. Masse, tout.
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V. Fétiche, fiction, frivole, ironie, nuage, puzzle, rêve.

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Ironie : Du peu. Tout d’abord. Elle déclare vouloir frustrer son moderne spectateur !!! Aussi ce « Je coupe les images pour que l’initial n’apparaisse pas ou frustré ». Et cela, si doucement… « Que l’art du stratège soit une illustration plus grandiose de l’art de la chasse que ne le serait l’art du tueur de poux, elle ne l’admet aucunement, et ne trouve, la plupart du temps, dans le premier que plus de boursouflure ». (PLATON). Découpe, relation, angle. L’application. L’insignifiance. Le papier de soie. Tout ce qui concourt à la distance. L’aspect optimiste. Les différentes échelles, la variété des matériaux, la multiplicité des traitements formels à l’intérieur d’une même œuvre. Les Mickey. La cruauté acérée. La féroce laideur de certains des amas de matières-couleurs. Le dessin léché. Les lignes droites, les lignes courbes, les lignes brisées. Les restes de quotidienneté. Le déchet aseptisé. Les jeux d’ombre. L’absence de toute volumétrie. Le griffonnage. L’a peine visible, le trop évident. La patience. Le kitsch. Le contexte, les rapports, les dimensions. La volonté d’intégrer tous les possibles plus ou moins à deux dimensions. L’impression « bonheur ». La quête. Les retours, les repentirs, l’aventure. Les becs, les pointes, les droites. Mes répétitions. L’esprit de sérieux. Légère raillerie. L’insistance.
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ANT. Posé, rassis, rangé.
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V. Fétiche, fiction, frivole, goutte, nuage, puzzle, rêve.

Mickey : Courbe, bondissant, joyeux. « Au début des années trente, au moment même où la souris Mickey commence à creuser son trou dans ce que Carl Gustav Jung nomme « l’inconscient collectif », la maisonnette de la petite bourgeoisie se pare des oripeaux de l’architecture nouvelle ». (GUBLER). Années quatre-vingt, Mickey vainqueur par k.o. universel. Le haut du pavé appartient au puéril. Nous, minables, fragiles, menacés, passons pour pur produit de l’imaginaire bdphile. C’est du picasso. Mickey garde-barrière. Mickey et Icare. Mickey déchiqueté, effacé, gratté, souillé et toujours renaissant. AH ! AH ! Mickey bariolé. Mickey voyage dans une chaussure. Mickey en mer. Mickey sauce Seurat, Vinci ou Delacroix. Mickey explose, implose, satellise la planète.
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ANT. Tarzan.
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V. Fétiche, fiction, puzzle, rêve.

Nuage : Vapeur d’eau. Fines gouttelettes. Nébulosité. Cirrus, cumulus, nimbus, stratus, altocumulus, altostratus, cirrostratus, cumulo-nimbus, strato-cumulus. Musique ! Mouton. Poisson. Mousseline. Aéré. Epais. Soixante monades sans fenêtre. Alice. Très out side. Attaques aériennes. Possible recommandation : à mater matin, midi et soir. Toujours la tête dedans. Le morceau d’un fils du vent, le titre d’un récit illustré à venir, la condensation. « Je vais plaider la plus ridicule des causes, la suprême bêtise, le superlatif de la niaiserie : la passion des richesses, l’amour sentimental et… le déplacement des astres ». (FOURIER). Trouble la vue. Évidence d’un détail. Les ombres portées. Les fonds. The bird. L’impression « ciel ». Vaporeux. Les poussins rêveurs. La voûte éthérée. Irréel. Au-dessus des choses. Immaculé. Percé de toutes parts de délicates érections monumentales. Gris. Mine de plomb. Bleu. Crayon de couleur. « Le bleu du ciel ». Aquarelle. .Gris-blanc. Papier de soie. Noir. Ombres. Blanc. Il n’est pas virtuose. C’est une pratique. En mineure.
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ANT. Bas, matériel, terre-à-terre, ironique.
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V. Fiction, goutte, puzzle, rêve.

Puzzle : Mixed-média. Les petites maîtresses et le rectangle. To puzzle : embarrasser, intriguer. Ça fait des manières. Morcellement, recomposition, effacement. Détail d’accumulation de détails. Léger, souriant, découpé. Descriptif. Apprêté, affecté, duel. Sophistiqué, virtuose, précieux. L’époque. L’infantilisme. Paul Klee. Wasily Kandinsky. Solitaire de peur, peur de douleur, lourdeur d’absence de peur. L’après mime même. Langueur. En avoir ou pas. Un bon joueur en a. Simulacre. Retenue désamorcée. Récréation. Gratuité. Jeu de l’amour et du hasard. Badinage. Pigeon vole ? Jeux innocents. Peintures faciales. Collage sans colle. Messe basse. Recherché. Rare. « Aisance, risque, habilité. Il faut savoir jouer son reste et le jouer au plus fin. Faites vos jeux ! Rien ne va plus. Spasme, transe, étourdissement. Rien ne va plus. Cent mille parisiens consultent chaque jour six mille devins, voyantes ou cartomanciennes ».
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ANT. Casse-tête.
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V. Fétiche, fiction, goutte, nuage, rêve.

Rêve : Le travail du… « Ne pissez pas dans le ciel ». (RIMBAUD). Ça baille aux anges d’un rire argentin, silencieux, étouffé. Repentirs : l’oreille coupée, le délire bachique, neuf mots d’attente. « Je coupe, je couvre de couleurs, je gratte, je transforme. Je coupe les Images pour que l’initial n^apparaisse pas ou frustré ». Les blancs dans le souvenir d’un rêve… « Moi, je ne marche pas tellement comme ça. J’avance puis je recule ». Entre incertitude et anxiété. Animiste, elle stocke puis choisit. Sucre amer. Vivisection. Gingembre. Refus des enchaînements dus. Sadisme. « La couleur délimite son propre espace ». Voie royale. Censure. Rêves. Le latent. « Cœur transi reste sourd aux cris du marchand de glace ». (BERGMAN). Un silence de rêve.
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ANT. Réalité.
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V. Fiction, puzzle.

« Tchine Yu-Yeung », 6 p., Galerie Au Fond de la Cour, Paris, 1983.

Jean-René Hissard – VISITE D’ATELIER

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« La figure humaine qui surgit au milieu de mon triptyque banlieues sauvages, c’est l’homme qui a retrouvé sa sauvagerie. Il déboule d’une tapisserie qui est à la fois ce qui reste de la culture et de la nature actuelle vue à travers une culture qui est complète-ment momifiée. La nature ayant été détruite par l’industrialisation, la culture ne peut plus se bâtir, n’a plus de contraste, de fond. C’est ce que j’ai voulu faire sentir avec cette tapisserie qui est une jungle mais une jungle totalement apprivoisée, domesti¬quée. C’est un extérieur qui vient d’un intérieur petit-bourgeois. Et de cet extérieur surgit comme d’une grotte culturelle, cet ectoplasme, l’homme-bête, l’homme-animal transhistorique. En définitive, cette silhouette fait tâche et nettoie à la fois. C’est la tornade blanche, le nègre blanc, le gorille albinos. La banlieue est un mixte de nouvelle culture et de nouvelle nature en gestation. Elle est vivante et s’oppose à la ville historique, muséifiée, morte. »… »Si je signe J.R. c’est parce que c’est un héros négatif. Aujourd’hui pour être un artiste, il faut être soit un saint, soit un héros. Et on ne peut plus être qu’un héros négatif. »… »Je me sens très proche de ce qui se fait en ce moment en rock alternatif en France. »… »je suis contre la sacralisation de l’Art Brut. Il n’y a pas de raison de ne pas traiter tout pareil et on peut donc se foutre de la culture populaire comme on peut se foutre de n’importe quoi. »… »Les gens ont tendance à définir ma facture comme expressionniste mais c’est un expressionisme de second degré. C’est de la sur-barbouille ! »… »Si être artiste c’est enfiler des perles ça n’a strictement aucun intérêt. L’art abstrait est par définition et de facto insignifiant politi¬quement. Rien que ça, pour moi, ça suffit à le rendre inintéressant. Ma jouissance est dans l’expression et pas dans la facture. Je ne me branle pas. Tout ce que je fais est hyper-simple et de toute façon la peinture c’est un travail de crétin. Quand il y a quelque chose à faire, on se dit : « celui-là, il ne peut pas souder, construire un meuble, faire de la plomberie, il est complètement con mais il tiendra bien le pinceau… C’est un métier de crétin et je le fais en crétin. »… »Pour moi, la quantité est aussi intéressante que la qualité. A la fin des années 60, je me disais artiste-peintre et je faisais trois fois rien… Maintenant j’ai de quoi faire de la peinture jusqu’à ma mort, de quoi alimenter mon travail pour trois vies ! Ce n’est pas de la fécondité mais l’urgence perpétuelle. Du fond de ma cave, je parle au monde : »… »Par rapport à ce que je faisais dans l’action culturelle entre 1970 et 1985 ma position actuelle est une position de replis. Je campe sous ma tente parce que je ne peux pas faire autrement. Je préférerais avoir une action dans la société. Il y a une telle idéalisation de l’artiste maintenant avec la création et tout ça… C’est de la couille ! Moi je l’affirme : « j’aimerais mieux faire autre chose… »

Propos collectés et choisis par Y. TENRET

MACC – Maison d’art contemporain Fresnes nov. 1991

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Pierre Tual.

Paris, le 16 juin 1995

Mon cher Pierre,

J’ai bien reçu les quatre photos des œuvres que tu vas exposer à Montbéliard cet été. Cela fait des heures que je les contemple en me demandant, vieux gamin, si tu essayes d’y relever un défi que j’avais amicalement laissé au pas de ta porte à la fin de mon si agréable séjour chez toi. « Tu n’es pas assez vulgaire » t’avais-je dit…. Et je le pensais !

Ayant en horreur le pédantisme, je ne t’avais pas précisé que par vulgaire, j’entendais le
« Balzac » de Rodin, le « Verre d’absinthe » de Picasso ou encore la plupart des sculptures de Gonzalez. Ou prendre des références (après tout, tu es un artiste et qu’est-ce que l’art, si ce n’est une guerre des goûts ?) plus proches de nous : R. Chamberlain, R. Serra, A. Caro ou même ce délicieux et si littéraire, B. Flanagan.
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La première œuvre, rouge Massey Fergusson et jaune Huard, – que de poésie dans ses noms si propres ! – me met en joie. C’est bon signe, non ? J’y vois le gardien du temple (de l’art pour l’art ?), un sobre cheminot, une petite maison remplie d’êtres ailés, un piège à ragondins, l’expression de cette ironie dont tu fais preuve à chaque instant dans la vie de tous les jours et que j’apprécie tant chez toi.

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La deuxième, vert Kneverland et orange Mashio, – décidément ces appellations m’euphorisent – me semble, et de loin, la plus virtuose des quatre. Calligraphie dans l’espace, plans et volumes, élégance, lignes, tensions, tout ce que nous chérissons dans cette aventure et l’autonomie des formes y est ! Cercle de l’existence et signes de vie, agressivité des parties et sérénité de l’ensemble. Tu sais comme moi que notre fin de siècle méprise le « faire », qu’elle n’apprécie que les « coups », les idées, le bluff. Combien de
décennies faut-il travailler pour arriver à réaliser une oeuvre telle que celle-là ? Voilà une question qui risque de ne rencontrer qu’ indifférence… Faut aller vite ! Enfin, d’être inactuel, nous pouvons nous en vanter !

Le troisième, bleu Ford et vert Deutz, – là, c’est un ballet de robustes tracteurs que je vois défiler devant mes yeux éblouis et ricaneurs -, selon le critère esquissé plus haut (la vulgarité/la vie), est sans doute la plus réussie. Solide, trapue, vrillante, en rien elle ne minaude ni ne s’égare du côté du chic, du bon goût et du démonstratif. Elle est si sévèrement articulée qu’elle pourrait, au crépuscule, foudroyer de terreur ceux qui mettent en doute les pouvoirs de l’art.

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La quatrième, jaune Caterpillar et orange rouille, marque peut-être la pointe la plus avancée de ton titanesque effort de renouvellement. Sauvage ! Des lignes vibrantes, telluriques, fichées dans le sol, hachurent l’espace. Des courbes engendrent des droites et l’ensemble de tous les paysages passés, présents et à venir semblent concourir à l’extension infinie des potentialités expressives de cette quinzaine de bouts de ferraille.

Voilà. J’imagine facilement combien mon délire te semblera à coté de la plaque, sans rapport avec tes épures et – écrire cette lettre m’a pris dix minutes – si loin du sérieux avec lequel tu vénères l’art. Mais si discrétion, réserve et modestie ne sont pas mon fort, c’est sûrement parce que ce n’est que chez les artistes que je trouve l’arrogance légitime,
saine, dynamisante. Merde au prolétariat de l’art ! Vive les maîtres ! Nous avons assez payé de notre personne pour nous permettre de revendiquer non pas une place au soleil mais la place de l’astre lui-même

Ciao, ciao, bello !!!!

« Pierre Tual », 1 p., Le 19, Centre régional d’art contemporain, Montbéliard, 1995.

Baris Dogrusoz.

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Expression, soleil couchant.

lundi 29 novembre 2004

A Jean During.

Mon Dieu comme cette vidéo est douce. Et industrielle. Et plein de rage contenue. Il n’y a pas d’espace à terre pour ces adolescents, ai-je fait remarquer la première fois que j’ai assisté à la projection de cet OVNI. Mais les toits leur appartiennent. A eux l’hyper ventilation ! La scansion du dhikr est le marteau-piqueur de l’âme. Enfin un film qui se voit avec les oreilles. Quel son ! Lâ ilâha illâ’Llâh. La répétition du nom divin conduit peu à peu à la perte de conscience. L’exil a bien des formes. La transe aussi : anéantissement, stupeur, extase ! Nous ne sommes que de passage dans ce monde. Réjouissons-nous ! Il n’y a rien de mieux que de sortir de soi-même – rien. Ces jeunes gens ne sont pas des saints ; ce n’est pas devant un tombeau qu’ils dansent. En vérité, je vous le dis : seul leur corps et leur esprit leur appartiennent.

Si les coups reçus t’exaspèrent, comment deviendras-tu
Un clair miroir sans avoir été poli ?
Djalâl-ud-Dîn Rûmi

Ils en ont marre de devoir progresser, marre de devoir et de tous les devoirs. Ils veulent rester entre eux, mauvais, amers, malheureux, caractériels, personnels, irréductibles. Ce que vous avez à leur offrir n’est que de la pacotille. Ils veulent rester là, accroupis contre le mur à attendre celui qui ne viendra pas. Pour survivre, spirituellement s’entend, il faut commencer par renoncer à conquérir ce monde car celui-ci se résume à consommer et à consommer encore. Mais là n’est pas la difficulté suprême – renoncer à tous nos idéaux progressistes car, pauvres crétins, nous pensions être délivrer de notre fardeau par la machine…

Mais revenons à nos moutons. Nous leur montrerons Nos signes sur les horizons et en eux-mêmes. Sept cieux, le mariage du ciel et de la terre – un esprit sincère et détendu nage à la lisière du firmament, au bord des étoiles… Ô voie lactée, ô sœur lumineuse des blanc ruisseaux de Canaan… Contraction ! Expansion ! Cette vidéo empathique est une barque sur l’océan de la vie, un burlesque enchanteur et enchanté, un océan d’incertitudes nourri du flux et du reflux de tant de divines impuretés. Mais trêve de flatteries ! Pauvre est le derviche mais riche est l’Ordre…

Nos musiques sont l’écho des hymnes que les sphères chantent dans leur révolution… Djalâl-ud-Dîn Rûmi

A quoi bon aboyer, si la caravane ne passe pas… Qui croit que l’Occident se développe et que l’Orient stagne ? Il ne s’agit pas d’aller vite et loin mais d’aller lentement et juste à côté, d’affirmer un refus radical de toute réactivité, de toute dénonciation, de toute déploration, de tout pathos. Il s’agit de parvenir à un usage passionnant de la vie. En deçà de ce désir, il n’y a rien. Il s’agit de tout repenser, de tout ramener à zéro, d’effacer le présent, de détruire ce qui nous détruit, de refonder le lien humain sur d’autres bases. Et les artistes, ces travailleurs de l’esprit, ne sont pas les plus mal placé pour cela.

Dis-toi que tu es néant, et vivre te soit bonheur. Omar Khayyan

Baraka ! Qu’elle soit sur toi Baris ! Souviens-toi de moi, je me souviendrais de toi… Et n’oublie pas : le monde est un fruit savoureux, Dieu te l’a prêté pour voir ce que tu en feras !

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