Mille et une mines

Carnet de route du film de Ouahib Mortada, Laurent Thivolle et Caroline Beuret, 2010-2020

Une situation de travailleurs

Par où et qui commence le film

Je ne suis ni journaliste de passage à la recherche d’un scoop, ni un enfant de mineur endeuillé par la mort de l’un des ses proches dans un de ces puits de mines de riens. Cette mine qui m’attire et me repousse et où je confectionne et assemble mes souvenirs et les bribes du passé… Ce passé que je partage avec ceux qui comme moi l’on quitté, mais qui gardent en eux cette odeur de soufre au goût sucré et amère qui colle à la gorge et que l’on oublie jamais, au fond.
A Jerada, la vie de plus de deux mille personnes -dont la majorité sont des enfants- oscille au bout de cordes usées dans des puits de mines non sécurisés et très risqués. Chaque jour qui passe est pour eux une nouvelle naissance. Leurs vies aux mineurs d’ici, ne valent pas plus que le prix d’un sac de charbon.
Le plus court chemin que j’y ai traversé m’a semblé être le plus long de ma vie pour avoir parcouru cette descente au fond de ce boyau au-dessus duquel Lamine me tendait cette vieille corde qui me reliait à cette poutre en bois striée d’usure. Pourquoi autant de peines, de risques et de périls pour rien ou presque?
Depuis que je suis retourné dans ma cité primitive, cette ville minière à la frontière entre le Maroc et l’Algérie, ce village au nom barbare et beau, je ne cesse de glaner dans mes souvenirs et les instants que je filme avec les gens de Jerada, un semblant de raison qui justifierait cet état de fait et la rumeur qui fait son chemin…

Ouahib Mortada / Janvier 2005

1er(s) miroir(s)

Ouahib brûlait en son for intérieur de ce film qu’il portait depuis 5 ans déjà, peut-être un peu plus… Des heures de vidéo dont certaines étaient abimées, repassées pour être enregistrées, montées par les uns, pour les autres, par soi-même et en compagnie d’autres. Là où il a commencé à parler sur les images, dans la salle de cinéma du Polygone Etoilé, pour traduire aux autres ce qui se disait en arabe.
De quoi parle le film alors? De mon point de vue, qui sera différent de celui de Ouahib, et peut-être pas tant, il parle de la vie et de la mort, de la lumière et de l’obscurité, du Maroc et de la France. Et il y a Ouahib. A la frontière de ces pôles, faisant tampon, essayant de faire soudure.
Il est là, et gesticule pour créer de l’ombre au soleil si fort qu’il tape et brûle.
_
Au Maroc, il n’y avait rien d’autre, il n’y a rien d’autre. Alors les gens, tous les hommes en âge de se lever, de se coucher, se sont mis à continuer à creuser, avec leurs mains, leurs marteaux. C’est devenu un tapis empli de trous, à l’image de la peau du léopard, percée de partout. Des trous béants.

Laurent Thivolle / Juin 2010

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Avec les ongles des dix doigts avec la peau
qui transpire de ses cheveux plus noirs que l’anthracite
qui les nourrit de carbone et de silice…
Avec leurs mots poumontés ronronnant les bronchioles déchiquetées de silice qui parlent de leurs maux avec des crachats ensanglantés
que je leur prête ma traduction hésitante parfois exubérante,
déconcertante,
consentante autour de ses feux aux confins de ses forêts
pour exorciser leur mal, le mal de mine….

Date: Wed, 26 May 2010 19:48:02 +0200
Subject: mine de rien………..
From: ouahibmortada@hotmail.com
To: caro.a@no-log.org

Tu l’as bien dit, Caro, dans le travail d’extraction que nous avons entamé avec Lolo, c’est la spontanéité du « discours » de l’interprète traducteur et narrateur de cette histoire qui est mise en jeu.
Plus ou moins toutes les traductions jugées nécessaires, ont été enregistrées.
Maintenant je travaille à condenser mes textes pour amorcer une deuxième ligne, là où se mêlerons au fur et à mesure les nœuds de l’histoire entre l’interprétation -que l’on saisit à chaque instant choisi- et la narration qui ouvre à la compréhension du contexte de cette mine et ses mineurs.

Lolo est un être très sensible. On comprend bien qu’on est pas dans les mêmes attitudes face au montage et le résultat que l’on espère à chaque moment. On se corrige au fur et à mesure. De la collaboration qui nous unit sur ce travail nous arriverons tous les trois à une complicité que j’estime au delà du film.

Tu es pour l’instant notre observateur. La prochaine ligne nous renvoie un peu plus loin dans le fil de l’histoire et la réalisation de ces instants nous impliquera Lolo et moi dans une même posture. On aura de moins en moins le recul nécessaire… Tu seras quelque part notre metteur en scène à la prochaine étape. C’est toi qui nous renvoie à l’image de ces mineurs démineurs acharnés à leur tâche sans retraite ni recul devant le péril qui les guette…

Avec ma petite caméra j’avais l’impression que je tournais en rond
dans une histoire qui ne tourne pas rond.
Les masses médiatiques nationales relayées par la télévision française
ont fait leur tour de la question, mais rien pour déchiffrer
l’avenir de ces concessions féodales au pays de l’oriental.
Les constats sont dressés mais il manque un quelque chose
à cette équation économique sans facteur humain.

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D’entrée de ville, on aperçoit le terril depuis « le panneau 40 » comme on dit ici à Jerada. La stèle à l’entrée de la ville, en forme de panneau funéraire, nous souhaite la bienvenue avec une pioche en guise de logo.
Le terril domine ainsi toute la ville et toute la ville reste à ses pieds! Un chapeau métallique en rouille orne le terril et culmine à 200 mètres. La structure d’ancrage du treuil a servi à déblayer auparavant les galeries de la mine de ses déchets de 70 ans d’exploitation. Ce témoin de fer ressemble à une sorte de parabole posée à cet endroit là pour dominer non seulement toute la ville mais aussi pour être vu de loin.
Le temps ne compte pas à Jerada. Mais ce témoin de fer résiste encore, même rongé par la rouille, il reste amarré là-haut en pente raide.
Tenu à ce haut poste comme s’il se dressait en poste de surveillance depuis tout le temps où il a progressé en hauteur, alimenté par deux caissons et un câble en rotations alternatives et permanentes.
_

A cet endroit-là, un glaneur d’anthracite sourd-muet visiblement incapable d’aller au charbon, cherche les morceaux en tas sur les collines.
Je cherchais, moi, le cinéma le Colisée de Jerada. Cette salle qui me faisait rêver adolescent… On m’a dit qu’elle a été démolie. Comme le stade de foot qui a cédé la place au Palais du Gouverneur de la nouvelle province de Jerada. Loin de là, le wali d’Oujda qui pilote les décisions stratégiques concernant cette jeune province, a décrété l’édification d’une grande mosquée à la place de l’ancienne salle de cinéma. Les chantiers d’aménagement du centre ville de notre cité minière et sa réhabilitation en centre administratif ne manquent pas.
Chaque nouvelle élection apporte son lot de projets et de promesses. Mais souvent les promesses s’évaporent et on finit par enterrer le passé de cette maudite mine. Le destin de Jerada est cadenassé autour d’un rond point et sa maquette miniaturisée, comme pour duper le sens de cette cage d’ascenseur dont on a enlevé le système. Les maîtres d’œuvre finiront-ils par duper les gens? Dans cette ville où l’on projette de construire une gare routière pour des voyageurs qui n’existent pas encore?

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On ne peut faire abstraction du passé, ni faire comme si l’on pouvait échapper à sa propre condition et s’extraire de son clan, sa tribu, son douar et en général de la classe sociale de laquelle on est issu. La mine et son mode d’exploitation verticale a marqué sa cité et sa construction selon le modèle d’une architecture sociale dont les couches superposées aspirent dans le sens commun à l’ascension pour évoluer vers les couches supérieures…
Cette ascension qui s’opérait en vitesse pour ceux qui avaient le privilège de se trouver dans l’ascenseur a cessé de fonctionner depuis que la mine a fermé… Et son ascenseur laissé à l’abandon dans les ténèbres de ses entrailles.
Aujourd’hui, ce sont de nouvelles formes d’exploitation déguisées qui ont pris la relève mais qui ne promettent que la voie descendante par gravitation. L’ascenseur social s’est cassé dans cette cité depuis la fermeture de la mine. Même les nouvelles recrues de l’administration locale n’attendent plus leurs échelles de promotion annuelle. Ils arrivent affectés dans cette cité en début de leurs carrières comme dans un bizutage et ne tardent pas de la quitter l’année suivante en choisissant leur mutation n’importe où mais ailleurs qu’à Jerada.

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-Tu dis: «Je ne pourrais reproduire cette image que j’ai dans la tête que dans une fiction, ça se passe dans une ville que j’ai connu depuis mon enfance…» Et c’est quoi ce souvenir?
-C’est toujours le terril, le soufre, tu grimpes, t’extasies avec la chaleur, le soufre…
Mon papa est venu me chercher, m’a dit, « Tu rentres avec nous à Jerada, on va bien travailler ensemble, parce que là tu es trop gâté chez tes grands-parents, tu travailles pas à l’école! » Alors il va m’apprendre le français, il y a le maître de français et le maître d’arabe, et cette année ils m’ont maté tous les deux, et je me rappelle toujours parce que la mémoire… C’était le choc quoi, d’Oujda à Jerada, tout noir… Surtout le jour, je me rappelle très bien du jour, où il me tient la main, moi je me trimballe comme ça derrière et il y a un gros orage, je me dis « Qu’est-ce que c’est que ce truc, je comprenais pas, et puis c’est que des crevasses, moi j’ai pas l’habitude de marcher dans un endroit comme ça… A Oujda c’était toujours plat, une grande ville, là les crevasses de partout… Qu’est-ce qui m’amenait foutre là-bas? Moi j’étais bien à Oujda… Et après tu restes 20 ans dans cette ville.

Les trois jeunes mineurs

Un journaliste, fils de mineur à Jerada, matricule n° 6431, s’insurge

MINES DE RIEN
_ MarocHebdo : 27-12-1997

Le gouvernement va fermer la mine d’anthracite de Jerada. En quelques lignes, le sort des cinq mille emplois directs des Charbonnages du Maroc (CDM) est scellé et l’avenir des quelques soixante-dix mille habitants qui dépendent plus ou moins de l’activité minière vont faire face à une épreuve dont l’ampleur n’a jamais eu de semblable dans l’histoire contemporaine du Maroc.[…]
Certains officiels, lorsqu’ils mirent les pieds pour la première fois dans cette agglomération furent surpris, avec raison, de l’absence de ville au sens conventionnel du terme. Mais de là à dire, comme certains n’ont pas hésité à le faire, que l’existence de ce « grand bourg » ne se justifiait que par l’activité minière et que, une fois celle-ci épuisée, chacun devait « retourner » de là où il était venu, sinon, à l’image des nomades dont ils sont issus, porter leur baluchon sur le dos et errer à la recherche d’une autre source de subsistance.

Fils de feu le mineur de Jerada numéro matricule 6431.

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Jerada El mina y a lala Mina…
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Jerada N’ssaouha ou samhou fiha…

Je ne sais toujours pas exactement décrire ce qui me ramène à cette ville après tant d’années que je l’ai quitté pour de bon.
Il me semble que les gens de l’amicale laïque de Jerada sont dans la même impossibilité d’expliquer ce qui les ramène réellement vers cette cité.
Chaque année ils forment de petits groupes de visiteurs improvisés et ils s’y rendent comme dans un pèlerinage…
A t-on vraiment besoin de revenir ici pour se gratter les plaies du passé et se sentir soulagé d’un mal qui nous est gravé pour toujours? Où est-ce simplement un besoin de se sentir vraiment bien un instant là où on a le plus souffert des années durant et ressasser quelques bribes du passé ?
C’est peut être tout cela à la fois ! Entre le passé des gens de l’amical laïque et moi il n’y a aucun point commun à part Jerada et ce désir de retour permanent. Il n’y a pas d’histoire identique non plus entre ces gens mais, des histoires… Chacun apporte une bribe qui étaye les autres et c’est ainsi que c’est construite l’histoire même de cette ville fabriquée de toutes pièces au début du siècle dernier.

– Tu dis: « A mon dernier retour avec l’amical des anciens de cette ville, j’ai compris ce que c’est de sentir exilé dans son propre pays. » Et…
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– Ils cherchent à savoir qu’est-ce que c’était leurs pères, ils se rappellent un peu de l’enfance. Ils se disent, « dans ce passé qu’on a vécu à Jerada, qu’est-ce qui s’est passé et qu’est-ce qu’on a vraiment vécu? » donc ils reviennent pour vérifier un peu quels souvenirs les marocains ont gardé d’eux et qu’est-ce qui reste de…
_
Il reste la machine, cette machine qui a été monté à Jerada, la mine, ça a été, simplement, enfin voilà, une période qui a fait la vie, qui a fait qu’il y a eu des français, des belges, des espagnols, et des chinois qui se trouvent là à travailler avec des marocains et qu’à un moment y’a plus rien, chacun doit rentrer chez lui. Moi ce que j’ai vérifié à chaque fois quand je suis revenu c’est comment eux, je les vois tous blessés parce que je vais aussi dans leur rassemblement chaque année ici à Comps et je vois encore la haine du passé, ils ont pas compris pourquoi ce moment-là en 69, c’était l’appel à dégager, y’a eu quelque chose comme ça, ils étaient sommés à quitter Jerada,mais très vite, à laisser leurs rêves, à part ceux, comme toujours hein, ceux qui se retrouvait à Rabat autour du BRPM, c’était le Bureau des Recherches et des Participations Minières, où l’ancienne direction était rapatriée, mais tous les autres, toute la maîtrise devait partir et la situation était grave, à ce moment-là y’avait le conflit israelo-palestinien qui démarrait, une situation politique disons qui rajoutait encore la haine à la haine, l’histoire de la razzia qui n’était pas effacée, parce qu’il y’a eu des problèmes aussi avec la communauté juive à Jerada, faut pas oublier qu’en 48 y’a eu des enfants, des femmes qui ont été tués par des bêtes … Et tout ça c’est la date de création du premier syndicat de mineur. Marocain, parce qu’il y avait jusque là des syndicats mais qui ne représentaient pas vraiment tout le monde, la maîtrise française avait des garanties selon la législation française mais les Marocains n’avaient pas de statuts.

Date: Thu, 15 Jui 2010 11:33:08 +0200
Subject: étapes
From: caro.a@no-log.org
To: thivolle.laurent@no-log.org, ouahibmortada@hotmail.com

Pour le moment nous sommes à une étape de narration de ce voyage en continu, Jerada et ses mineurs, Ouahib et ses fantômes, Ablila et ses visions, les Français et leurs terres, les habitants et leurs maisons…
On va pas jusque là mais on essaye de tout raconter, de tout dire, de tout parler, et d’entendre respirer le terril. On s’en approche quelquefois mais on s’en écarte vite, pris par le fait de continuer le récit.
On regarde quand même des petites séquences ensemble et chaque image en crée une autre, comme quand Ouahib parle, une flamme éclaire une autre bougie, celle qu’on n’avait pas vu.

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Ouahib et Ablila

Mai 2010

Ce que personne ne soupçonne à présent c’est que ces mines sondées à tâtons de puits en puits, ensuite par dizaines et par centaines seront bientôt des milliers. En quelques années, aucun plan de sauvetage ne pourra les arrêter à réaliser enfin cette carte grandeur nature du relief et son trésor qui pointe ses veines noires en surface au bonheur des promoteurs industriels mafias de la taxe Carbone qui rafleront tout le reste. A ce rythme et dans quelques années seulement, dans cette région où la malédiction du charbon a frappé, un jour ou l’autre, ça va cartonner à la dynamite! Le reste ce seront des excavatrices dont les mâchoires mesurent des dizaines de mètres et des méga bennes qui s’en chargeront.
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Quand je racontais ça à Lolo, en lui disant: « Ce sera peut-être là le début de la fin de cette histoire… »
Lolo me répond: « On n’est pas dans un film qui interroge le progrès technique! »
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Dans ce que j’écris je fais souvent des marches avant et des marches arrière. Mon texte fonctionne dans les deux sens. Aussi, il n’y a pas de début, et il n’y a pas de fin. Cette histoire n’est pas linéaire. Il y a comme une fracture, une cassure comme la faille géodésique que Gérald Pérez est venu chercher ici.

J’étais parti chercher quelques boissons et de retour Lolo me demande de revoir un bout qu’il vient de raccorder…
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Moi : Alors tu es revenu au triage Lolo ?
Je le vois en train de trier et ordonner, renommer, archiver ses dossiers, sous-dossiers… Il me dit :
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« Je n’ai pas encore la tête assez dans le puit comme toi tu l’es Ouahib. Il me faudra du temps pour y parvenir.. »
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On s’allume une cigarette chacun et on observe les images de ces deux jeunes mineurs crocheteurs perchés sur le bras de ce puit et le petit moqueur derrière eux en arrière plan fixe…
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Je reprends lolo sur ses classements de dossiers et je lui fais la remarque qu’il est très professionnel dans sa démarche; en le provoquant ainsi j’essaye d’attirer son attention sur…
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Et il se remet à revisionner des séquences qu’il sait bien qu’elles me font rêver aussi dans le dénuement de ces paysages…

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C’est comme si l’on planait.
On plane plus ou moins tous qu’importe la phase ou métaphase qui nous enrobe.
Il suffit de trouver les points d’puits libres.
Les gens du Sud ont leurs paraboles dirigées vers le Nord
Les gens du Nord ont leurs antennes dirigées vers le Sud.
Maintenant que je suis face à face avec cette frontière liquide,
je ne perds pas le Nord, mes boussoles indiquent le Sud.
Les gens de l’est sont tous fascinés par ceux à l’ouest.
Et moi je reste là en station au milieu de tout ça…

Mai 2011

La langue me manque terriblement ici,
et cela en est presque enfermant.
Je me trouve tout le temps face à moi-même exclusivement,
et je regarde la réalité de ces univers,
qui sont en lien avec la grande Histoire de mon pays,
et c’est étrangement dur tout cela,
car je ne peux que prendre,
et rien cracher.
Je comprends quand on dit dans le cinéma que le son c’est l’intérieur,
et l’image l’extérieur
ici le son c’est pour Ouahib,
moi je ne pourrai faire que l’image.

Et pourtant c’est à l’intérieur des choses,
que l’on touche la géographie d’un homme,
que l’on a accès à l’histoire d’un lieu et d’une terre.

Merde alors!
Les mineurs font comme cela pour trouver le filon de charbon,
il y a plusieurs couches et chaque couche donne une indication du
filon qui nous amène à une autre couche jusqu’à la couche finale,
infranchissable, ou le charbon s’écrase.
Pour chaque couche ils doivent trouver une pierre qui a la forme d’un
poumon encastré dans un coeur.
Ce sont de très belles pierres,
et c’est une telle science qu’ont ces mineurs.

Nous partons pour Oujda,
puis nous irons de nouveau à Jerada.

Jerada,
ville construite par les Européens,
pour creuser la misère,
exploiter la terre,
des Marocains.

Lolo
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_

Je me souviens vaguement encore de celui qui marchait par là
ou de celle qui pleure encore son père mort ici
autant de plaies encore ouvertes
même si on s’emploie à les guérir de ses souvenirs de douleurs
on se perdrait à retrouver les détails à travers ces regards qui fuient
dans un flottement
qui marque le début de toute chose.

– Tu dis: « L’héritage de l’après-mine à Jerada est lourd de conséquences. Et cette histoire ne peut se résumer dans un format documentaire, autrement on tomberait dans un pathos d’apprentis sorciers. » Tu penses comment, en fiction?

– Ouais, c’est… Enfin, on raconte, on raconte, tu vois on peut être à trois, à plusieurs, à raconter à travers ce… Moi par exemple, ça peut partir de la machine, le gars il est avec sa machine à taper, je suis dans un commissariat, et le gars il tape, Nom, Prénom, Age, La mère, Le père, le truc tu vois, pendant 4 heures il me cuisine,
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– Mais qu’est-ce que tu fous là, qu’est-ce que tu fais là le fils Mortada, qu’est-ce que tu reviens foutre, qu’est-ce que tu nous fais, qu’est-ce tu fais avec tes caméras, qu’est-ce que…
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– J’lui dis quoi, ben je… je filme, je caméramane, je suis un caméraman, je filme, je prends des photos, tout ça…
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– Oui mais pourquoi, pourquoi faire? Là où tu as mis les pieds c’est bizarre quand même, toi tu connais Jerada, qu’est-ce qui te ramènes à filmer?
Il veut te cuisiner pour savoir… Ben si moi je sais pas encore…
_
– Tu veux savoir, je sais pas!
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Mais je sais des choses enfin peut-être avec cette caméra je pourrais peut-être en faire quelque chose mais honnêtement je lui dis, ça fais 4 heures et tu sauras pas plus parce que moi non plus je sais pas, je travaille avec les associations, avec euh… mais pour l’instant je travaille que pour moi, je travaille pour personne.

– C’est comme ça que t’as pu t’en sortir quand t’étais au commissariat là-bas?
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Voilà et puis j’ai continué de filmer, et le film il se fait, les mineurs ils continuent leur boulot, voilà ce que ça deviens, tu vois, ça c’est la partie documentaire, c’est-à-dire nous, simplement on fait, comme l’Amical mais pas… on est pas là pour se gratter tu vois… Non!

 

Contact : caro.beurette(arobase)yahoo.fr

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