L’Internationale Situationniste, La Nausée, J. Vidal, J. Dubuffet, M. Duchamp, P.K. Dick.

Textes d’Yves Tenret publiés dans le journal {Le Quai} entre 2007 et 2010.

Guy l’Éclair contre Fu Manchu. Le Quai, n° 8, juin 2007.

« Tout au long des années gui suivirent, des gens de vingt pays se trouvèrent pour entrer dans cette obscure conspiration aux exigences illimitées. Combien de voyages hâtifs! Combien de longues disputes! Combien de rencontres clandestines dans tous les ports de l’Europe !» Guy Debord.

«C’est surtout en matière d’amour qu’il faut éviter le ton dogmatique. » Charles Fourier

L’IS (l’Internationale Situationniste), c’est 70 membres, 63 hommes & 7 femmes, de 16 nationalités, 12,5 ans d’existence, 45 exclusions. La rencontre des radicalismes artistique et politique, le rejet de l’intelligentsia, un état-major qui ne veut pas de troupe, la révolution au service de l’art. Classe et spécialisation, travail et divertissement, marchandise et urbanisme, idéologie et État, pour ces marxistes libertaires, tout est à jeter. Ils étaient des ennemis du sacrifice. Mais il n’appartient pas à nos temps de soumission qui préfèrent à la réalité sa représentation, de médire de la révolte. Pendant les années i960 et 1970, un grand nombre de gens ont cru que leur vie allait devenir partie intégrante de l’art. L’IS fonctionne au paradoxe : le laid c’est le beau, les gauchistes ne sont pas assez à gauche, les anars sont des flics, les gratte-ciel sont un peu petits, le chaos c’est l’ordre, etc. Au début, ils sont très proches du Pop art : filles en bikini, photos de presse, réclames pour abris antiatomiques et cases de bandes dessinées illustrent leur revue. Éternels adolescents, ils adorent la sous culture, les films de science-fiction, les films érotiques et les westerns. Pour eux, c’est là que s’exprime la meilleure critique du social. Ensuite, illuminés par un messianisme marxisant des plus allumés, ils donnent dans le romantisme révolutionnaire et insufflent de la poésie dans le soulèvement de Mai 68. Leur style n’a pas pris une ride: «La culture ? Mais c’est la marchandise idéale, celle qui fait payer toutes les autres. Pas étonnant que vous vouliez l’offrir à tous… » « Ceux qui parlent de révolution et de lutte des classes sans se référer explicitement à la vie quotidienne, sans comprendre ce qu’il y a de subversif dans l’amour et de positif dans le refus des contraintes, ceux-là ont dans la bouche un cadavre».

Construire une architecture équivaut à fixer un mode de vie, d’où leur rejet viscéral du fonctionnalisme. L’architecture est à la base du projet situationniste. Ils veulent passer de l’art-marchandise à l’art-projet. La New Babylon de Constant (Constant Anton Nieuwenhuys), c’est du titane, de l’aluminium, du verre, du nylon ! Des échafaudages… Sa mégastructure climatisée assure un bénéfique lavage de cerveau, crée un monde autosubsistant, désartificialise les conditions d’existence, à coups de montages-démontages d’éléments préfabriqués, d’immeubles-pont, de blocs à l’enjambée, de villes mobiles. La suppression des imprévus climatiques modifie les paradigmes habituels. Tout devient intérieur. Il n’y a plus d’institutions monumentalisées. Constant part de la notion d’ambiance et des plaques tournantes psychogéographiques. La multiplication hasardeuse des plans s’accorde à un habitant qui a retrouvé la marche, le contact avec autrui, l’échange, la déambulation libre… Le citoyen n’est plus seulement observé ; il décide de son environnement. La théorie urbanistique de l’IS, c’est la ville en tant que flux, navigation, création populaire et spontanée, du Charles Fourier1 ! ‘ Charles Fourier.philosophe et économiste français (Besançon, 1772 – Paris, 1837) rêvait d’une organisation sociale fondée sur les phalanstères, coopératives dont les membres auraient harmonisés leurs passions pour créer une société nouvelle basée sur la réalisation pleine et entière des désirs contradictoires de chacun.

Le dadaïsme a voulu le supprimer, le surréalisme a voulu le réaliser- leur héritière, l’IS veut réaliser l’art en le supprimant! Découvrir des fêtes et des jeux supérieurs ! Bouleverser totalement les normes sociales, libérer la communication et engendrer une nouvelle sociabilité. L’œuvre d’art totale ! Ils ne désiraient pas être une école artistique de plus mais un nouvel art de vivre. Pour eux, le vrai problème révolutionnaire était celui de la vie quotidienne et des loisirs. Leur dérive faisait fi de la sublimation; ils voulaient en finir avec le petit système d’avilissement et de crétinisation en vigueur. Malheur aux vaincus !

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Jean-Paul Sartre, La Nausée, 1938. Source du terme situationniste d’après Boris Donné.

sourcils levés, elle profite de l’occasion pour revivre la scène encore une fois.

— Plus tard, j’ai élargi tout ça ; j’y ai ajouté d’abord une situation nouvelle, l’amour (je veux dire l’acte de faire l’amour). Tiens, si tu n’as jamais compris, pourquoi je me refusais à… à certaines de tes demandes, c’est une occasion de le comprendre : pour moi, il y avait quelque chose à sauver. Et puis alors je me suis dit qu’il devait y avoir beaucoup plus de situations privilégiées que je pourrais compter, finalement j’en ai admis une infinité.

— Oui, mais enfin qu’est-ce que c’était ?

— Eh bien, mais je te l’ai dit, dit-elle avec étonnement, voilà un quart d’heure que je te l’explique.

— Enfin est-ce qu’il fallait surtout que les gens soient très passionnés, transportés de haine ou d’amour, par exemple ; ou bien fallait-il que l’aspect extérieur de l’événement soit grand, je veux dire : ce qu’on en peut voir…

— Les deux… ça dépendait, répond-elle de mauvaise grâce.

— Et les moments parfaits ? Qu’est-ce qu’ils viennent faire là-dedans ?
— Ils viennent après. Il y a d’abord des signes annonciateurs. Puis la situation privilégiée, lentement, majestueusement, entre dans la vie des gens. Alors la question se pose de savoir si on veut en faire un moment parfait.

— Oui, dis-je, j’ai compris. Dans chacune des situations privilégiées, il y a certains actes qu’il faut faire, des attitudes qu’il faut prendre, des paroles qu’il faut dire — et d’autres attitudes, d’autres paroles sont strictement défendues. Est-ce que c’est cela ?

— Si tu veux…

— En somme, la situation c’est de la matière : cela demande à être traité.

— C’est cela, dit-elle : il fallait d’abord être plongé dans quelque chose d’exceptionnel et sentir qu’on y mettait de l’ordre. Si toutes ces conditions avaient été réalisées, le moment aurait été parfait.

— En somme, c’est une sorte d’oeuvre d’art.

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Désarroi, désarroi. Le Quai, n°10, octobre 2007.

Ce petit livre est intéressant en ceci qu’il nous donne envie de connaître de toute urgence ce qu’il dénonce. Les courts et rares extraits qu’il cite suscite le désir d’en savoir beaucoup plus sur les auteurs qu’il critique. En douze chapitres, l’auteur essaye de régler son compte avec tout ce qui n’est pas une opposition frontale au système comme le fut le messianisme prolétarien en son temps. Ce livre expose le désarroi des derniers progressistes, réduits à s’inventer des frayeurs imaginaires par leur incapacité totale à décrire le monde tel qu’il existe actuellement. La science-fiction est à nos portes. Ce qui amuse les uns inquiète les autres. Vidal a un ton de donneur de leçon qui phrase de près et sent son quintal d’impuissance. Il est en deuil des grands récits héroïques et en concurrence de radicalisme et d’avant-gardisme avec des mouvements dont il s’exagère l’importance pour mieux les fustiger. Pour les besoins de sa thèse, il invente des alliances fictives entre des gens qui n’ont aucun rapport entre eux. Il mélange allègrement technophiles (les extropiens) et technophobes (les primitivistes). Quel sens cela a-t-il ? Les primitivistes, dit Vidal, s’en prennent au langage. Et il perçoit là-dedans un goût pour l’effacement de l’identité, propre au bouddhisme et à l’hindouisme. Généralités creuses! Il aurait pu ajouter le taoïsme. Bien sûr qu’il est urgent de repenser notre identité de pauvre consumériste, de rien au centre de rien ! Dans son ressentiment, il rassemble les postmodernes (enfants de la « French theory» issue des travaux de Derrida, Barthes, Foucault, Lyotard, etc.), les anticolonialistes, les post féministes. A l’exemple des générations des jeunes femmes d’aujourd’hui qui ne s’identifient pas nécessairement au féminisme, mais qui ont intériorisé les valeurs féministes, le post-féminisme critique le
 féminisme, lui reprochant d’être trop normatif et de ne pas tenir compte des différences qui existent entre les femmes.

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Avoir opéré un vote de défiance à l’usage du règne phallique, ainsi que le font les postmodernes, n’est pas si débile que Vidal veut bien le dire. C’est tout l’anthropomorphisme même qu’il faut aujourd’hui soumettre à une critique radicale. Et il y a urgence ! Le catholicisme et ses avatars le protestantisme et le communisme, avec l’Homme (à l’image de Dieu) au centre de tout, ont détruit le monde. Comment allons-nous sortir de cela ? Vidal ne se reconnaît que deux ennemis valables : le capitalisme et la religion. Malheureusement pour les nouvelles générations, pour les partisans de la «French theory», des études «gays et lesbiennes», des conceptions «queer», des analyses «postféministes*» ou des lectures «postcoloniales» l’ennemi, c’est lui, le mâle blanc dominant et ceci qu’il soit libertaire ou non. Et effectivement, il n’examine jamais ses propres préjugés universalistes. On ne peut pas dire que la dialectique l’étouffe. Pour lui les Lumières ne sont pas une civilisation cherchant à imposer son point de vue (celui de la bourgeoisie montante) mais une aspiration illimitée à la liberté. Les récuser serait automatiquement revenir au féodalisme. La colonisation a eu lieu au nom des Lumières, de la civilisation contre la sauvagerie. Travailler sur les traites négrières consiste à nier les luttes et les utopies révolutionnaires, écrit-il. Mais pourquoi ?

Il considère toujours que l’Occident représente l’avenir du monde sans même effleurer ses errements productivistes, son industrialisation à outrance, ses pesticides et sa post couche d’ozone. Le point aveugle de son livre est l’écologie. Vidal cherche une utopie à opposer au «modèle du marché de l’informatique où chaque nouvelle mise à jour disqualifie la précédente sans pour autant offrir un quelconque changement». Cette phrase résume bien le livre. Vidal ne sait pas de quoi il parle. La micro informatique est tout au contraire une révolution extrêmement rapide encore en pleine expansion, révolution qui a transformé profondément nos vies et continue de le faire. Vidal reproche aux milieux gauchistes, alternatifs et alter mondialistes (ici le mot «gauchiste» prouve une fois de plus qu’il ne sait pas de quoi il cause) de rejeter la péridurale et la surmédicalisation de l’accouchement. A-t-il pensé aux addictions futures de l’enfant qui est entrain de naître ? Non!

• Jordi Vidal, Servitude et simulacre. Réfutation des thèses réactionnaires et révisionnistes du postmodernisme, éditions Allia, 144 p.

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Dubuffet l’enragé. Le Quai, n°21, novembre 2008.

L’art ne commence qu’à partir de mal dessiner, que plus mal on dessine et plus on fait apport créatif. J. Dubuffet

Il me semble qu’en général dans l’enseignement donné dans les écoles d’art un point essentiel est rarement abordé : la modestie ! Et là, Dubuffet peut nous être d’une grande aide. J’étais déjà tourmenté par un sentiment qu’il y avait quelque chose de fallacieux et vicié dans la position de l’artiste ; j’aspirais à des productions qui soient indemnes de caractère artistique, qui soient une émanation directe de la vie courante, qui soient de la création d’art sans le vouloir et sans le savoir. Après deux ou trois ans de délibérations dans ce sens je décidai d’abandonner la position d’artiste et de me vouer à la vie d’un homme du commun tout à fait ordinaire, dont il m’apparut à ce moment qu’elle était plus créative, moins frelatée, que celle de l’artiste, écrit-il à l’une de ses correspondante. Ça, ça fait réfléchir, non ?

Mais les Etats veulent aujourd’hui à la fois supprimer la licencieuse création d’art et utiliser cependant le prestige que la culture lui a conféré. Ils ont donc adopté de la dénaturer, de lui substituer une fausse création d’art, bien vidée de tout contenu (de contenu subversif) et dotée dans le temps du prestige dont la vraie bénéficiait. Ce prestige leur apparaît un bon moyen d’endoctrinement et de domination.

Complètement dingue, non, ce bon vieux Dubuffet ? Il avait 67 ans quand il a envoyé ça. Génial, non ? Bon, d’accord, on était en 68… Mais lui était un 68 à lui tout seul !

Le dernier de nos grands peintres historiques, le Picasso de la deuxième moitié du XXe siècle, était violemment contre la culture, le cartésianisme, les marchands et l’Etat. C’est soufflant, non ? D’autant plus qu’il n’y avait chez lui nulle aigreur. Le marché, les intellectuels, le Musée des Arts décoratif, tous l’ont reconnu et choyé ! Il était désintéressé et pensait sincèrement ce qui précède.

Quoi de mieux pour se ressourcer que de se replonger donc dans Asphyxiante culture, son livre brûlot de 1968.

Et c’est cette pensée anar qui nourrit sa pratique. Michel Thévoz, son meilleur commentateur , dans le livre qu’il lui a consacré chez Skira en 1986, le précise : A la source de la vie, il y a toujours l’anarchie : les premières organisations tourbillonnaires sont nées du désordre thermodynamique, la première cellule vivante est née du désordre moléculaire, les organisme se sont constitués à partir d’assemblages cellulaires aléatoires, et ainsi de suite. Un préjugé occidentalocentriste nous incline à penser l’organisation et la complexité selon le modèle étatique ou cybernétique, c’est-à-dire sous une forme centralisée, hiérarchisée et spécialisée, alors que l’univers vivant dans toutes ses variantes, de l’entité écologique au fonctionnement cérébral, nous donne l’image d’une organisation polycentrique ou acentrique, prodigieux tissu anarchique d’interactions, de mouvances, de transferts, de bricolages, de combinaisons aléatoires.

Que dire de plus ?

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UN REVOLTE TAOÏSTE. Le Quai, n° ?

En fait j’ai vu que la seule excuse pour faire quelque chose était simplement d’introduire l’érotisme qui est beaucoup plus proche de la vie, plus proche que la philosophie ou quoi que ce soit de cet ordre. C’est une chose animale qui possède de nombreuses facettes et qu’il est amusant d’utiliser comme un tube de couleur, afin de l’injecter, pour ainsi dire, dans votre production. (M. Duchamp).

J’ai élargi la manière de respirer. (M. Duchamp).

– Je ne sais pas ce que tu en penses mais à mon avis Marcel Duchamp était un maître taoïste.
– Tu veux dire qu’il s’la pétait, qu’il s’la jouait à donf ?
– Que nenni ! Qu’il était vraiment un maître taoïste ! Dans ses pratiques, dans sa conception de la vie. Il avait imaginé, par exemple, un transformateur destiné à utiliser les petites énergies gaspillées telles que la poussée des cheveux, des poils et des ongles, les mèches rébarbatives, l’épi, la chute de l’urine et des excréments, le rire, les larmes, l’étirement, le bâillement, l’éternuement, les vomissements, les pets, l’éjaculation, etc. C’est génial, non ? Si ça c’est pas de l’agir du non-agir, du pur Wuwei, je me demande ce qui en est !
– Assidu de Lao-Tseu et ouf de taï chi, mon luc ! Un obsédé sexuel c’était, ça ouais !
– Il n’est pas bon de refouler les pulsions. Il fuyait les jeunes filles, ne voulait s’encombrer de rien et encore moins que tout de paternité. Pratiquer le commerce des corps permet de penser à autre chose… Et lui avec son habituelle modestie de fils de notaire, il préférait les femmes laides et mûres !
– Tu ne crois pas que c’était tout simplement un anar, fin de siècle, comme Darien, Coeurderoy, Fénéon ou même comme Céline ?
– Pour sûr qu’il appréciait particulièrement Max Stirner, celui de L’Unique et sa propriété, le saint Max de Karl Marx, celui qui a tenté de détruire les Grands Mots, les Idéaux, les Idées creuses. Duchamp se définissait effectivement comme étant un anartiste. Mais il était surtout quelqu’un qui refusait les frais fixes. À la fin de ses jours, à New York, son loyer était de 40 dollars par mois ! Cet homme a toujours vécu dans une extrême simplicité aux limites de la précarité, n’a jamais rien possédé et n’a jamais été vénal. Son côté désintéressé et incorruptible a vivement impres¬sionné Tinguely et tous ceux qui l’ont rencontré après guerre. C’est très important ça, c’est peut-être même sa caractéristique principale… C’est ce qui le différencie absolument du monde de l’art. Aujourd’hui, plus que jamais ! C’est toute la dimension mercantile de l’art, une économie esthétique et marchande, qu’il a voulu remettre radicalement en cause.
– L’argent ! Le fric, le flouze, les chicons ! Mais bon dieu de diable, quel rapport cela a-t-il avec le yin et le yang ? Tonton Marcel chassait-il les démons et volait-il dans les airs comme tout immortel qui se respecte ?
– Pffft, t’es vraiment bouché. Prenons-le par un autre bout. Tiens, essayons son étrange éthique : la co-intelligence des contrai¬res, ne pas choisir, une mise en doute radicale de tous les jugements de valeur, de l’idée même de jugement. Il n’y a rien de plus taoïste que ça ! Tout comme sa paresse, son ironie, son indifférence, sa légèreté, son amusement de tout, son absence d’affectation et d’ostentation, sa constante apologie de la lenteur… Et le scandale ! Dans le Tao aussi la plupart des propositions sont paradoxales et scandaleuses. Duchamp ne fonctionne pas sur le principe du tiers exclus, pour lui les choses ne sont pas ceci ou cela mais ceci et cela ! Il n’affirme rien et prend le parti de ne pas prendre parti.
– Ça ne cause ni de style ni d’art tout ton blabla ! C’est rien que de la vieille rhétorique !
– Pense à son goût récurent pour l’eau ! L’eau de L’Art de la guerre de Sun Tzu ! Rien n’est plus souple et faible que l’eau mais pour emporter ce qui est dur et fort, rien ne la surpasse… Comme le Tao, l’eau jaillit d’une source unique et constante tout en se manifestant sous une infinité de formes… Elle est le mouvement et la transformation par excellence… Et pour Marcel la chute d’eau est un des régimes privilégiés de son économie des petites énergies gaspillées.
– Mais qu’il soit taoïste ou bouliste du dimanche, qu’est-ce que ça change pour nous ?
– Tout ! Notre existence, notre vie ! Tout mon pauvre goret… Écoute-moi bien. Pour Duchamp, comme pour Héraclite, tout était devenir, rien n’était fixé ou figé. Nous débarrasser de toutes les crétineries anthropocentristes que vieux fond religieux et kapital nous ont fourré dans le crâne avec l’humain au centre de tout, la pseudo-supériorité de celui-ci sur les bêtes et sur la nature en gé¬néral. L’homme maître de l’univers des bestiaux, de la faune, de la flore et du climat. À présent on voit ce que cela donne ! Tous les gens qui sont dans des écoles d’art devraient lire et relire la biographie de Marcel Duchamp que Bernard Marcadé a publié chez Flammarion en 2007 et puis passer dans la clandestinité !

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La ballade de Phil K. Dick. Le Quai, n° ?

– Schizophrènes indolents, visionnaires mystiques,
– Punk crypto nazis, vugs de Titan,
– Envahisseurs ganymédiens, androïdes symbiotiques,
– Hébéphrènes télépathes, ascètes cinglants,
– Myorelaxants et antispasmodiques,

– Pervers polymorphes, hermaphrodites mutants,
– Disc-jockeys post-apocalyptiques, obsessionnels compulsifs,
– Petits hommes à tête de cochon et à inconscient d’éléphant,
– Paranoïaques rigides, maniaques dépressifs,
– Plombiers syndiqués, crétins de base, zappeurs fous,

– Prenez tous place dans la file,
– Il n’y en aura pas pour tout le monde.

– Si on l’avait pris
– On l’a pris ?
– Si on ne l’avait pas pris
– Est-ce que ça ferait l’effet que ça me fait ?

– A nous les univers désolés !
– Consommer ou mourir, ça fait rire…
– T’aspires, tu fixes, t’avales,
– Tu speed, tu respires mal, tu cavales,
– Tu siffles. Attention à ton asthme !

– En un scanner obscurément.
– Grince, grince des dents
– Halluciner, délirer, produire,
– Ton dircom est un alien,
– Chiale pas, le mien c’est une vraie hyène.

– Tachycardie paroxystique, éruption eczémateuse,
– Serpasil et Semoxydrine.
– Joe Chip, Bob Actor, Horselover Fat,
– Glen Runciter, Leo Bulero, l’Arnaque Peak,
– Tous hilares, oh quel cafard !

– Artefact, substances étrangères, pharmacie vaudou !
– Garce de la gnose, ô, gnose de la garce,
– Monade aveugle, implants mémoire,
– Voies orale, intraveineuse, suppositoire.
– Des flics planqués derrière toutes les bouilloires.

– Gratte, gratte, vibre !
– C’est bon.
– Complètement con.
– Grave ! Trop bon !

– Apprenez à connaître votre dealer.
– Dexamil, Librium, Méthédrine,
– Température rectale, vigilance mentale,
– Thorazine, Valium, Benzédrine,
– Caisson à orgone, appétit diminué,
– JJ-180, D-liss, K-priss,
– Cool rapide et pressurisée dilaté,
– Somnoler en public, renifler épique,
– Il n’y a rien qui te gène, pas même les lacrymogènes,
– Ta cervelle cramée dans sa marinade toxique,
– Panique relax, fréquence cardiaque.

– Kabale, Nembutal, P.C.P., angel dust,
– Quide, Agesoline, digitaline,
– T’es accro aux ados qui font de l’aérobic,
– T’es addict aux vieilles biques qui exhibent leur clit.
– Tu veux abandonner le monde aux jeux de hasard,
– En avoir dans le falzar
– Et peloter une bonne paire de vieux nibars.

– Qu’idylle ? Qui balance ?
– Doux Jésus, j’hallucine – un champignon !
– Autant se recharger par injection…
– Electrodes schizoïdes ?
– Pas d’adultère pour les cybers !

– Comprimés en solution injectable,
– Petites amphétamines vertes,
– Benzédrines d’un rouge brillant,
– Demi-plaquette blanche de codéine,
– Minuscules hallucinogènes jaunes,
– Les fausses ordonnances entrent dans la danse !
– Et là, tu t’en fous de la cadence,
– Dans ton chaos, c’est la transe.

– Gaffe à la fringale
– Et à ses sales putes de mygales !
– Cinq dragées, une poignée de comprimés,
– LSD, mescaline, addiction immédiate
– Et plus si affinités…

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