A. Téchiné, J-P. Limosin, P.-P. Pasolini

Articles de Yves Tenret parus dans Voir en 1984 & 1985

Passolini – Une vie bien remplie.

En novembre 1984, paraissait enfin en français la biographie que Enzo Siciliano, un de ses amis, avait consacré et publié, en 1978, à Pasolini. Il est l’un des apôtres dans le sublime Evangile selon Saint Mathieu. Ce livre nous révèle un Pasolini totalement inconnu de nous : l’homme public.

Pier-Paolo Pasolini est né le 5 mars 1922 et est mort assassiné le 2 novembre 1975. A Siciliano, en visite sur les lieux du crime, une femme dit : Vous êtes venu pour lui ? Qu’est-ce qu’il a crié cette nuit-là ! Maman, maman, on me tue. Il criait comme ça, le pauvre.
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Le Messaggero du lundi 3 novembre rapporte les mots de Maria Teresa Lollobrigida, 46 ans, sans profession : Quand nous sommes arrivés, j’ai aperçu quelque chose devant notre maison. J’ai pensé que c’étaient des ordures et j’ai dit à mon fils Giancarlo : regarde-moi ça, ces fils de pute viennent déposer leurs saletés devant chez nous. Je me suis avancé pour voir comment on pouvait nettoyer ça et je me suis rendu compte qu’il s’agissait du corps d’un homme.
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Pelosi, le pseudo-assassin, arrêté la nuit même pour excès de vitesse, a une crise. Il crie : Qu’est-ce que j’ai fait, maman ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Et il se rendort.
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La fin de Pasolini : un scénario soigné, vif, captivant. Il avait souvent tenu des propos lucides sur ce sujet : Il n’y a pas un groupe de garçon rencontrés dans la rue qui ne puisse être un groupe de criminels. Ils n’ont aucune lumière dans les yeux… Il aimait pourtant ces garçons qui ne savent ni sourire ni rire, qui ne connaissent que la moquerie la plus sarcastique et dont les seuls modes d’expressions sont les interjections obscènes et les hurlements gutturaux.
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Pier-Paolo Pasolini est né l’année de l’accession de Benito Mussolini au pouvoir. Son père était militaire et fasciste. A l’école, Pasolini était plus petit que ses condisciples et très amoureux de sa mère qui voulait faire de lui un poète. Au lycée, il devient sportif. Il fréquente assidument un cours d’escrime, fait du vélo, du ski et peint de petits paysages. Il est puritain, coincé et se défoule au football au poste d’avant-centre.
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A l’université de Bologne, il suit les cours de Roberto Longhi, le meilleur historien d’art de sa génération. Il joue au basket et fréquente des jeunes filles. Il participe, à Weimar, aux rencontres organisées par l’Allemagne nazie. Il se sent artiste, condamné à la solitude. Pour lui, la période des « ismes » est révolue. Il désire passer un mémoire universitaire sur le Baroque. En 1942, il publie son premier recueil de poésie, Poésie à Carsarsa. Il enquête sur les aires linguistiques dans le Frioul. Le 1e septembre 1943, il est incorporé dans l’armée. Le 8 septembre, armistice. Les Allemands font prisonniers son détachement et le déporte. Il parvient à s’enfuir, marche cent kilomètres et se retrouve à Casarsa. Il y devient enseignant. Ses mœurs sont pures.
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Nous sommes en 1944, il a 22 ans et il est toujours vierge. Il rêve d’être le plus grand poète de sa génération. Guildo Pasolini, son jeune frère, résistant nationaliste, est assassiné, le 10 février 1945, par des résistants communistes lors du massacre de Porzùs. Pour mon frère, je peux dire que c’est l’enthousiasme de son corps qui l’a tué et qu’il ne pouvait survivre à son enthousiasme. A Casarsa, Pasolini crée un ciné-club et une troupe de théâtre. Il obtient sa maîtrise es lettres avec la mention la plus élevées pour un mémoire sur la poésie de Pascoli. Il devient communiste.
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En 1947, il est instituteur à Valvasone. Il porte costume et cravate. En 1949, c’est un rapport des gendarmes de Cordavado qui met fin à sa carrière d’enseignant : « La rumeur publique a porté à la connaissance de la gendarmerie que le dénommé Pier-Paolo de Carsarsa s’est rendu, il y a environ dix jours, à Ramuscello, et que là, ayant commencé à attirer les mineurs… » Son père s’enfonce dans l’alcoolisme.
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Ce sera le premier procès de Pasolini. Il est exclu du Parti communiste. Il veut se suicider mais ne le fait pas à cause de sa mère. Le père devenant de plus en plus pénible, il s’enfuit avec elle à Rome. Il était fiancé. La jeune fille sanglote. A Rome, il participe à de nombreux concours littéraires et lit intensément Karl Marx. Sa mère s’engage comme bonne à tout faire dans une famille d’architectes. En 1951, Paragone publie le début de son roman Ragazzidi Vita. Dans la capitale, il peut vivre son homosexualité. Pour avoir un peu d’argent à donner à ses rencontres, il vend ses classiques grecs, latins et italiens. Il a choisi la vie et cette vie sera violente.
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Il écrit dans plusieurs journaux. Pasolini refuse le néo-réalisme. Pour lui, l’art ne doit pas se soumettre à la politique. Il gagne des prix littéraires. Il rencontre d’autres écrivains dont le talentueux Gadda. Il fait de la figuration à Cinecittà. Il enseigne dans une école privée. Il écrit, il écrit, il écrit.
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En 1953, Livio Garzanti, éditeur, lui verse une mensualité régulière pour son prochain roman. La douceur humaine et la violence intellectuelle de Pasolini commencent à séduire. Il travaille au scénario d’un film de Mario Soldati : La femme du fleuve. Entre 1953 et 1961, il écrit deux romans, deux recueils de poèmes, un essai, une traduction, treize scénarios et fonde une revue, Officina.
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Il a travaillé sur Nuits de Cabiria et sur La dolce vita de Fellini. Ils ont le même goût au maniérisme, à l’éclectisme stylistique et opposent le même refus au néo-réalisme. «Le grand Mystificateur» promet de produire Accattone, premier film de Pasolini.
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Il ne le fera pas. C’est Alfredo Bini, «le rouquin aux mains dans les poches, lourd comme un parachutiste après le rata», qui le produira, ainsi que tous les suivants jusqu’en 1967. Accattone dont l’image fait référence à Masaccio, Giotto et à certains maniéristes dont Pontormo sera interdit exceptionnellement aux moins de 18 ans.
En France, la «Nouvelle Vague» commence et en Italie, Antonioni tourne L’avventura. Ils se réclament tous de Rossellini.
Le cinéma amène une modification fondamentale dans la vie de Pasolini : l’argent.
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Juin 1960, Pasolini assiste à une rixe. Il embarque l’un des combattants. Procès. Juillet 1960, il regarde des gamins dans une barque. Procès. Novembre 1960, il parle avec un pompiste. Procès. Un instituteur porte plainte : Pasolini l’a menacé d’un revolver pour lui voler un roman manuscrit. Un député porte plainte: l’un des personnages d’Accattone porte son nom. Un jeune homme porte plainte : il se reconnaît dans l’un des personnages des Ragazzi di Vita. Dans la rubrique des faits-divers, l’épithète «pasolinien» devient courante pour qualifier tout ce qui a trait à l’homosexualité et à la délinquance.
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En 1962 sort Rogopag, film à sketches de Rossellini, Pasolini, Godard et Gregoretti. Le film est mis sous séquestre pour outrage à la religion d’Etat. Pasolini est condamné à quatre mois de prison.
Le cinéma est devenu pour Pasolini «un amour halluciné, enfantin et pragmatique pour la réalité». Il fait de lui un homme d’action et un voyageur (tournages, repérages, festivals, etc.) Il le sort de sa campagne italienne.
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L’Evangile selon saint Mathieu est financé en partie par une association progressiste catholique. Sa mère y incarne Marie. Le film reçoit le prix de l’Office catholique international du cinéma.
En 1966, à l’âge de 44 ans, Pasolini s’effondre dans une mare de sang : crise ulcéreuse. Il doit passer un mois au lit. Il en profite pour écrire six tragédies et le scénario de Théorème qui sera saisi pendant un mois pour obscénité.
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Mai 1968 est vécu par Pasolini comme une tentative de prise de pouvoir de la petite-bourgeoise sur le prolétariat. «Quand hier, à Valle Guilia, vous vous êtes bagarrés/avec les flics/je sympathisais, moi, avec les flics !/Parce que les flics sont fils de pauvres. »
1969 est l’année de Porcherie, film brechtien qui identifie fascisme et zoophilie et de Médée, autel dressé à Maria Callas. Les journaux les décrivent amoureux. Laura Betti est jalouse…
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En 1971, il commence sa Trilogie de la vie, le Décaméron, les Contes de Canterbury, les Mille et une nuits. Il a du succès mais «devant l’inhumanité de la lie de la nouvelle génération», il se sent seul. Il décide de devenir un réactionnaire de gauche.
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Il entre, en 1973, au Corriere de la Sera où il tient une tribune libre. Sa prise de position contre l’avortement va susciter une intense polémique surtout qu’elle pouvait passer comme un plaidoyer en faveur de l’homosexualité comme moyen contraceptif.
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Début 1975, il tourne Salo ou les 120 journées de Sodome, essai critique en images qui fait scandale même hors d’Italie. Ce sera le dernier. Le 2 novembre 1975, l’idéologue, le poète et le cinéaste sont assassinés…

Enzo Siciliano : Pasolini, Une vie, Editions de la Différence. Paris 1984

Grimaces.

Il n’est pas nécessaire pour utiliser ce livre avec profit de connaître l’italien car il contient des dizaines de photogrammes des films du maestro. Ces photographies sont classées par thèmes : les personnages, les mimiques, les modes de comportements genre main en bouche (allusion sexuelle pas si évidente que ça), les grimaces, la mort, le sourire, le rire, les dentitions, etc.
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De tout cela ressort effectivement l’indiscutable réalité de l’anthropologie de Pasolini. Son esthétique assez brute, attirée vers les matières rugueuses à beau n’être que l’un des derniers sursauts de la campagne frioulane ou romaine, elle a quand même un sacré goût. Goût âpre des dimanches de notre enfance. Avec Pasolini même la nostalgie devient supportable…

PIERPAOLO PASOLINI Corpieluoghi – A cura di Michèle Mancini e Giuseppe Perrella – Theorema edizioni – 68000 lires.

1984 de Michael Radford

Est-ce que cela se, passe à l’Est ? Le portrait est-il bien celui de Staline ? Les Russes sont-ils vraiment privés de chocolat au lait et aux noisettes ? La réponse paraît évidente, et comme toutes les évidences est des plus douteuses. Face à la première moitié du film, combien d’entre nous auront la franchise de reconnaître leur vie quotidienne ? Combien de journalistes, par exemple, se seront interrogés sur cette description de leur travail ? Celui qui contrôle le présent contrôle le passé. Celui qui contrôle le passé contrôle le futur. Donc qui contrôle qui et quoi aujourd’hui ?
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Nous, Européens, avons beau y être habitués, la confiance que le système place en son pouvoir de récupération est étonnante. La cause est entendue : 1984 est un film commercial, un film comme les autres, un film… On en sort pourtant dans un état bizarre…
Les acteurs sont justes. Richard Burton, dans son dernier rôle, est émouvant, il est bien tenu en main et pour une fois supportable. Suzanne Hamilton est musicale (Chopin). Des rats et, des relents de Régnais, malgré leur caractère mélo, passent quand même. On pense : «Cela doit être dans le livre». Le film pourtant est peu orwellien, c’est-à-dire abstrait et raisonneur. Il est riche, et ce défaut s’estompera peut-être avec le temps…
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Le livre et le film sont des hymnes à la résistance individuelle, ici, là-bas, partout. N’y courez pas : Observez-vous… L’émotion s’autoalimente et n’alimente qu’elle-même. La résistance commence juste après…

LE DERNIER COMBAT DE LUC BESSON

Rien ne se crée. Tout se paie. Film à l’ample succès inattendu et très mérité. Une extraordinaire bande dessinée. Application précise d’un story-board. On voit sans cesse les cadres. Jolivet entre en tout petit a droite dans la cour. Puis il est vu de la gauche en buste. Contre-plongée sur les escaliers. Il monte, plongée. Pluie de sardines… La faiblesse du film est animalière : coq gaulois et maquereaux surréalistes. Ces gallinacés, caille, coq de bruyère, dindon, faisan, paon, perdrix et pintade sont des articles destinés à l’exportation. Le Dernier Combat est un superbe livre d’images animées, de la bd pour adultes, simple et efficace. Comme souvent pour un premier long métrage, l’œuvre réalise des miracles. Ici, Jean Bouise, pas triste, pas lelouchien, pas chauve, pouvant enfin s’exprimer. A côté de ça, marcher sur l’eau tient du hobby de fin de semaine. Jolivet, coscénariste et acteur principal, a une idée fixe : «Besson, Besson, Besson». Cette idée affaiblit un peu le récit.

SUBWAY DE LUC BESSON

Besson voulait déjà le tourner il y a quatre ans. Il en a écrit successivement avec cinq coscénaristes, onze versions. Il fallait neutraliser le métro… Il a impressionné 78000 mètres de pellicules. Surface utile: 2500 mètres ! La mère de Besson était monitrice de plongée et son père, moniteur de ski nautique. Besson est un sportif ! Subway est perfection. Nunuche, adorable, attendrissant. Adjani, poupée de cire. Lambert, poupée de son. Cette merveilleuse épargne de l’inexpressivité. Notre quotidien, non pas transfiguré, rendu tel qu’en lui-même nous le vivons. Le métro, son roulement, nos rêves. A l’abri dans le funk. Qu’est-ce t’as toi ! Besson est un grand maniériste. Bien plus grand que Beneix. Il voit la manière ! Beneix a besoin de la fabriquer (i.e. repeindre un appartement couleur paquet de Gitanes). Besson est tribal, clanique, citadin. Il est l’avenir. De Mode et Travaux, il sait extraire le suc et il n’en est pas de plus précieux. Je ne m’étendrai pas sur la toujours admirable Adjani.
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Malheureusement… Bohringer, Galabru, le rouleur sont exacts, précis, extraordinaires. Comme le dit Besson, Lambert, dans son film, est un bonbon.
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A 26 ans, Besson rejoue et gagne. Il y a les bons, tout d’innocence. Il y a les mauvais, esclaves impersonnels, sans âme ou maîtres odieux de chimères telles que l’argent ou le pouvoir. Les clips, la TV, la bd sont la dernière chance qu’a le cinéma de devenir, en se mettant à leur école, un art. Besson l’a compris. C’est un grand !

HOLLYWOOD GRAFFITI de BLACKMAN GOLDSTEIN.

C’est comme un bon livre tendre et émouvant. Quand c’est fini, on se sent frustré. On aurait aimé que cela dure encore et encore et encore. Le titre original est le contraire d’une publicité mensongère. Il indique avec fidélité la nature du contenu : Hollywood out-takes and rare footages. Tous les grands du cinéma hollywoodien font une apparition. Pour ceux qui vont au cinéma comme on consulte un catalogue de Manufrance c’est-à-dire pour les jeunes fats et les jeu nés vierges qui vont au cinéma regarder les acteurs pour en sortir par décomposition et recomposition l’être idéal, la parfaite moitié à trouver pour s’épanouir dans un amour unique et fidèle, ce film est une pure merveille. On peut y comparer une centaine ou deux de looks.

LE FLIC DE BEVERLY HILLS DE MARTIN BREST

Niaiseries en survêtements. Case de zonards. Et ça marche ! En sortant, on est félin, rouleur. Eddie Murphy n’a que 24 ans. Jeune millionnaire donc… Il grimace beaucoup. Il fait même une composition rapide de tante branchée. La démerde individuelle, le Loto gagnant à tous les coups, le charme au-dessus de ça. Il y a un très beau pré-générique puis une remarquable poursuite camion-remorque, voitures. Ensuite du Murphy sous tous les angles. Vous en voulez ? En voilà. Les gags sont tous franchement débiles, bien ciblés pour être compris au quart du détour. Un critique anarchiste verrait sans doute dans le scénario une réhabilitation de la police. Mauvaise analyse. Son absence… C’est du cinéma bien-pensant mais qui ne fixe rien, qui n’a rien d’insidieux, un cinéma de la dépense physique par procuration.
La minette de service, Lisa Eilbacher, est une femme splendide et tous les seconds rôles sont bien supérieurs à la vedette. Le Flic de Beverly Hills n’est pas drôle, respecte tout, absolument tout, n’est pas insolent et même pas mouvementé. C’est de l’excellent Starky et Hutch pour dimanche sans tiercé…

PARTIR REVENIR DE CLAUDE LELOUCH.

Bon vent ! Tu m’as compris, je t’adore. Des médias parlent aux médias. Apostrophes enfin au cinéma. Michel Legrand, style Grand Echiquier, dirige son quatrième mouvement. Rachmaninov, à la suite d’une dépression nerveuse, compose post mortem de la musique de film et Lelouch des fresques campagnardes. La foire du Trône et le circuit Lancia (douze km) réunis pour la première fois ! Les films 13 présentent La Malédiction. Bernard Henri-Lévy, la réincarnation !!! Nous sommes au cœur d’un empire en toc et bien loin – il n’y a sans doute pas plus loin – du Dernier des Justes. La structure du récit est extrêmement complexe. Lelouch est un maître. Il flache back sans cesse, avant-arrière, plus une demi-douzaine de vitesses, et nous comprenons immédiatement qui part, revient, s’en va. Lelouch est notre Jean Béraud, grand entre les grands de l’art pompier. La maîtrise, l’habileté, l’amour de l’art ne seraient donc garantie de rien ? Lelouch a tourné deux films excellents : Une fille et des fusils (1964) et Un homme et une femme (1966). Il a écrit les scénarios de tous ses films et dans tous a tenu la caméra. C’est bien son problème. Il n’a pas le talent de son narcissisme. Son seul succès commercial (961000 entrées), L’aventure c’est l’aventure, est son film le moins person­nel. Son plus gros échec (195000 entrées), Edith et Marcel est son film le plus personnel. Nous, public, sommes dans le vrai : Claude Lelouch himself est antipathique, prétentieux, insignifiant.

DUNE DE DAVID LYNCH

Au lit, Pimprenelle et Nicolas, le marchand de dunes est passé… Il y a le livre et le film. Le livre était lourd, très lourd. Le film est léger, très léger. A l’entrée de la salle est distribué un dépliant publicitaire dans lequel il y a un lexique contenant les mots clés du livre (épice, distille, mentat, marteleur, etc.) Ce lexique contient aussi des noms propres avec la description des principales caractéristiques d’une vingtaine de personnages. Ce dépliant est l’une des preuves de l’échec de ce film incapable de se défendre par lui-même. Et comme il vise des spectateurs illettrés, le bide est complet. David Lynch était déjà pénible dans Earshead (1977) et dans Eléphant Man (1981). Maintenant, il est pénible et bête. Dune est un film incompréhensible pour ceux qui n’ont pas lu le livre et un film débile pour ceux qui l’ont lu. Toutes mes félicitations…
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L’histoire n’a plus la prétention qu’elle avait dans le livre. Pourquoi ? Parce qu’elle a disparu… L’interprétation fait «années 50» et la musique de Brian Eno, beaucoup de bruits. C’est d’une telle paresse que, fréquemment, on retrouve plusieurs fois le même plan à l’intérieur d’une séquence. C’est de la superproduction bâclée, du théâtre… C’est moins inventif que le plus bête des jeux vidéo. Et même plus sentencieux ! Pourtant avec l’histoire réduite à un script, il y avait moyen de faire le film des films, le film des sectes, le film des frustrés, le film de l’hypnose, le film de la came, le film national-écologique, le film des déserts, le film de ceux dont on ne peut pas prononcer le nom. Il y avait matière à rituels. David Lynch est un bon à rien…
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Il n’y a que Sting, vedette populaire, qui réveille par instants le public. Un an pour écrire le scénario, deux ans pour préparer et pré-produire, huit plateaux entiers mobilisés, vingt mois de tournage et de montage, cinquante-trois rôles, septante décors construits spécialement pour ce navet, quatre cents effets spéciaux, huit cent cinquante personnes dans l’équipe technique du film, treize mille figurants, cinq minutes de vision pour se rendre compte qu’il n’y a pas que Kenneth Mac Millan, sosie de Coluche, qui est enflé. Dune c’est de la baudruche au kilomètre. Je vous en mets combien ?

LES SPECIALISTES DE PATRICE LECONTE

Enfin, pour la première fois, «tête de mort» et «p’tit bout de gras» (Giraudeau et Lanvin) tournent ensemble. L’un à court de laxatif et l’autre de «Men» pour homme, sauvage odeur de ferme ensoleillée. C’est ça l’aventure ! Belle et bonne amitié virile. Bons et sales flics, truands sympathiques, casse ingénieux. Mafia. Les Gorges du Verdon. Le casino de Menton.
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Séduits l’un par l’autre et vice-versa, ils décident de tourner ensemble à vous couper le souffle. Durs rapports entre deux mecs. Dans le casting, pas de papotages – nous sommes bien loin de Bunuel ! – mais une femme otage, Cosette, (Les Misérables, R. Hossein), Christine Jean. Dialoguiste : Michel Blanc. On imagine : « Entre ses mâchoires serrées Bernard Giraudeau glisse : Non ! »
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A trois cents mètres du sol, c’était impossible. Ils l’ont fait… A perdre haleine fraîche. Géry et Bibi s’épaulent. Et y a une justice ! A la fin, ils gagnent… Quel scénario ! Quelle classe ! Leconte a superhyper-mammouth bien fait de se remotiver comme il dit si justement. Et puis, comme dirait Ménie Grégoire, il y a eu aussi le plaisir de se remettre en question ou, en tout cas, celui de se remotiver. Et ça ce n’est pas presque rien !

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RENDEZ-VOUS D’ANDRE TECHINE.

Beau, fin, élégant, sensible. Le goût ! Emotion diffuse. Fabuleuse direction d’acteurs. La musique de Philippe Sarde : sa meilleure à ce jour. Trintignant qui redevient buvable. Binoche, avec son corps épais, VRAIE femme. Des plans de Paris tel qu’en lui-même on l’aime… Ce film n’est pas de la camelote multimédia. C’est un quatuor. Notre Renato Berta a un de ses feelings ! Dans le style «de chambre», le meilleur film français depuis Les Nuits de la Pleine Lune. Wadeck Stanczak a d’ailleurs un jeu très rohmérien…
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Le cinéma d’André Téchiné est du bonheur, vivre, se jeter sous une voiture. Oser ! La merveille : vapeur diffuse, psychodrame éjecté, ellipses, pointillés. Rien n’est remâché… Lorsque Stanczak crache sur Binoche, il y a là plus de violence que dans la plupart des saletés racoleuses qui ont des prétentions à l’exacerbation des sentiments. Le senti, c’est ça Téchiné ! Va-et-vient. Du dialogue lourd qui tourne court juste au moment où le spectateur se dit : «C’est lourd…» Téchiné scénariste a du coffre. Et du goût, du goût, du goût ! Avec des artistes comme ça, nous allons finir par voir, entendre, goûter, sentir, oser ! Le risque était énorme : lourdeur… Funambule, Téchiné est tout d’élégance… La passion, ô oui ! la passion, la passion, la passion ! Et pas seulement l’amour. Aussi le travail. Téchiné est un artiste. Il y a du Rembrandt chez lui. De Barocco reste, sublime souvenir, outre Adjani, imprimé sur la rétine la vision d’un météore. L’affiche est immonde et trahit le film.
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Rendez-vous a été, matériellement parlant, tourné dans l’urgence. Il suffit de penser à Binoche dans Les Nanas pour comprendre, d’un coup et pour toujours, ce qui sépare la nécessité intérieure de la démagogie. Téchiné, paraît-il, veut sortir du ghetto du cinéma d’auteurs. Quelle erreur ! Le désespoir est une seconde naissance. Qui a la classe d’Eustache dans le cinéma français, de Malaval dans la peinture française ? Les artistes ne peuvent avoir d’autre fil que celui du rasoir…

DE LA MISOGYNIE CONSIDÉRÉE COMME L’UN DES BEAUX-ARTS.

Le Vrai et le Beau ? Ce film n’est ni vrai, ni beau. Brazil de Terry Gilliam est un tissu de complaisances. Complaisance du cinéma pour son industrie, complaisance de crétin apolitique pour le terrorisme (remarque : c’est sans doute le Ministère de l’Information – 7% du budget annuel de l’Etat – qui organise les attentats), complaisance pour la misogynie. Selon le moment ou ce qu’on a mangé à midi, on y verra tendresse ou pourriture. Il ne s’agit pas d’un film kafkaïen. Chez Kafka, la misogynie n’est pas commerciale, sélective. Elle ne s’attaque pas à de vieilles femmes mais à l’essence de la femme, bouton en fleurs, jeunes filles.
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C’est lorsqu’on assiste à la projection d’un film plein de talent comme celui-ci que l’on sent si fortement que les cinéastes ne laissent aucune chance au cinéma : ils le forcent à débiter son histoire d’un trait, sans guerre de sens. Des images extraordinaires : la voiture de Sam, l’installation des bourreaux, les cauchemars de Sam, de Niro en plombier, des ordinateurs bon enfant, Jill dans sa baignoire – et pas de cinéma ! Sam est la soumission acceptée, la «sagesse» du pauvre, pas l’antihéros mais celui qui rêve l’héroïsme. Et cette fable est d’une misogynie déplaisante. Il y a deux sortes de misogynies : l’homo et l’hétéro. Ici, c’est la première et comme l’écrivait Wittgenstein : «Quand on ne connaît pas, on la ferme». La seconde, celle de Philippe Sollers dans Femmes est au moins dangereuse. L’individu qui la pratique met sur la table, en guise d’enjeu, une partie essentielle de son intégrité physique. L’autre n’est que crêpage de chignon.
Brazil raconte que les femmes riches et âgées sont déplaisantes. Et
les hommes donc ! Complètement englués dans leur esprit de sérieux, s’identifiant à leur fonction sociale, totalement dénués d’ironie. .. Porcs obscènes desserrant sans discrétion, le repas à peine terminé, leur ceinture et déjà à moitié endormis… Chez les femmes de
cinquante ans, l’humour est la norme. A sa place, chez leurs maris
trône la sieste, le bougonnement imbécile, la fatuité absolue. Pendant
que papy ronfle, mamy sourit au jeune invité…

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LA DIAGONALE DU FOU DE RICHARD DEMBO.

C’est très stressant. Palpitant. Ça raconte une histoire : Genève 1983, la finale du Championnat du monde d’échecs. Deux joueurs soviétiques s’affrontent. L’un est URSS, l’autre, dissident. Une aventure de l’intelligence. Thriller efficace. Tous les coups sont permis. La musique, d’après César Franck, est utilisée avec précision.
Piccoli est un très grand acteur. Alexandre Arbatt est une star. Série Klaus Kinski… Le message politique, vraisemblable, est univoque. Au fur et à mesure du déroulement de l’action, la qualité baisse. Sort commun à bien des fables. Ce film, ciblé sans prétention, a dépassé, à cause d’une série de distinctions (Prix Louis Delluc, César 1985, Oscar du meilleur film étranger), sa cible. D’où, dans les salles où il passe, des chahuts spontané. Ironie : l’amateur du noble jeu retrouve «naturellement» sa capacité à la concentration. Et de l’eczéma… Une desquamation ! La haine très pure qui unit au-delà des contingences les deux adversaires d’un jeu complexe est un bien beau sentiment !
Deux styles s’affrontent. Vieux cynique contre morveux caractériel. Un invariant… La Diagonale du Fou a les défauts et la qualité d’âme d’un récit d’amateur. Les plans d’eau sont narratifs. Les Russes sont fous-froids, les épouses, des épouses et toutes les ouvertures ont déjà été jouées. Elles portent toutes un nom. Ce film bâclé aurait pu être un chef-d’œuvre. Il reste un travail fort, personnel, qui laisse présager du très bon Dembo au fil des saisons.

ANOTHER COUNTRY DE MARC KANIEVSKA (1984)

Ils sont beaux. Ils sont bien habillés. Ils sont anglais. Ils ont des peignoirs et des expériences homosexuelles. Lorsqu’on vit dans un dortoir, ce sont des choses qui arrivent. L’un de ces adolescents est communiste. C’est la pseudo jeunesse de Guy Bennett et Donald McLean qui furent espions, avec entre autres l’historien d’art Anthony Blunt, au service de Staline en Grande-Bretagne. C’est grotesque,
Néanmoins, l’un, victime de l’intolérance et de l’hypocrisie, le pédéraste avoué veut devenir dieu. Cela nous excite. Dieu est le titre le plus élevé auquel puisse accéder un élève en tant qu’élève. En dessous, il y a préfet. Dieu est l’élève «kapo» d’élèves.
Lécher une image léchée lasse. Cela finit par écœurer. Et c’est bien dommage parce qu’ils sont enthousiasmants ces beaux jeunes adolescents anglais bien habillés. Manifeste en faveur de l’homosexualité, ce film nous en donne une image bien mièvre! Les adolescents de Passe ton bac d’abord de Maurice Pialat, avec leur aspect acné poussée, parlaient en faveur du maniérisme. Ici, l’effet est inverse. On se désintéresse assez vite de cet internat bourgeois, des amours et des ennuis des étudiants homosexuels et de la passion marxologique d’un étudiant communiste que ne quitte jamais un petit buste de Lénine.
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Les films anglais sur les «public school» sont nombreux. Presque plus nombreux que les anglais eux-mêmes. Terreur ou nostalgie ? Another country rend la sienne plutôt sympathique. Elle est cossue. Les élèves ont de belles chemises, de beaux pantalons, de belles bretelles. En grandissant, ils sont de mieux en mieux traités. Le système, répressif comme nous le signale Judd, l’étudiant communiste qui a l’œil à tout, profitant aux plus âgés. Ça, c’est mal !
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C’est un film malin, retors. Another country est un film d’adultes sur l’adolescence. Tout y est agréablement aseptisé : l’image, le son, le sexe et le criquet. Prix de la meilleure contribution artistique au festival de Cannes en 1984, cette chronique de la vie d’une public school des années trente a sûrement la prétention de dénoncer un système éducatif, la classe dirigeante, et peut-être le «système» tout entier. Cette prétention en est une. Tout produit fini fait rêver.

L’HONNEUR DES PRIZZI DE JOHN HUSTON

Nicholson apparaît, sa lèvre inférieure délibérément et définitivement horizontale, et nous sommes morts de rire. Le Parrain offre à son fils, partant à la retraite, mille cigares mexicains et des battes de golf en argent massif. Huston tire au canon et c’est le bon format. L’honneur de la comédie est sauf. Une réussite ! Toute situation donnée est poussée à ses dernières conséquences. L’honneur des Prizzi heurte celui des flics. Les meurtres sont des obligations professionnelles. Mari et femme, même métier. Irène (Kathleen Turner) est une femme entreprenante qui monte des arnaques et qui ment donc tout le temps. Maerose (Anjelica Huston) est Italienne, donc jalouse et prête à tout. Charley est bête, il l’est donc tout le temps qu’il soit amoureux ou homme de main. Si Main Street reste plus fort sur le sujet, Huston nous venge du Parrain. Celui de l ‘Honneur des Prizzi est d’un grotesque réjouissant. Huston nous sauve de la fatalité de l’âge, des embourgeoisements obligés, des résignations collectives. Son film est l’exemple type du « bon moment » qu’on serait en droit d’exiger de tout le film. Le burlesque a une saveur antiautoritaire. Pourquoi se sent-on si heureux à la sortie d’un film de Huston ? Parce que Huston est intelligent et cultivé ! Beaucoup de spectateurs se sont demandés comment les producteurs avaient pu verser de l’argent à Huston pour tourner ce chef-d’œuvre qu’est Le Malin. «Un sujet, en tout cas, rien moins que commercial, bien peu fait pour séduire des commanditaires», écrit-il lui-même. La réponse est simple : il n’y avait pas de producteur. C’est un admirateur de Flannery O’Connor. L’auteur du livre dont le film est tiré, qui a réuni l’argent. La somme était minime et Huston, admirateur et ami d’O’Connor, a accepté de travailler avec une équipe réduite et des acteurs inconnus. «No se puede vivir sin amar. » La devise de Lowry peut tout aussi bien fonctionner pour l’œuvre de Huston et particulièrement pour Au-dessous du Volcan. Huston se décrit comme quelqu’un qui n’aurait pas, à la différence de Bergman, Fellini, Bunuel, de style propre mais qui dominerait cependant la grammaire du cinéma. Il insiste sur son «éclectisme» et sur les activités variées (la boxe, l’écriture, la peinture, le badminton, les chevaux) qu’il pratique et qu’il considère avoir été dans sa vie aussi ou plus importantes que le cinéma. Il va de soi que l’on peut s’intéresser à l’œuvre de Huston sans s’intéresser pour autant à sa peinture… N’est-ce pas à cause de la générosité de ce dilettante, de l’application dont il fait preuve lorsqu’il aborde l’œuvre d’autrui, de l’absence totale de sentimentalité dans son propos que nous sortons ragaillardis des films de John Huston ?

TARGET D’ARTHUR PENN

L’histoire est débile. Pourquoi ? Raymond Chandler disait qu’il fallait éviter les histoires d’amour dans les romans policiers parce qu’elles ralentissent l’action. L’incommunicabilité entre les générations + l’espionnage = un film sur l’Europe pour les Américains. L’ensemble sonne faux. Il y a les poursuites, les méchants, les coups de revolver, les coups de théâtre. Les filles tremblent. Les garçons ricanent. Ça se veut fin. Ça ne l’est pas assez. L’outrance aurait pu aussi convenir. En plus, ça réhabilite la famille… Il doit sûrement y avoir moyen de faire de l’espionnage intéressant. Eric Ambler écrit de bons romans d’espionnage. Target manque de feeling. Et même d’actions intéressantes. C’est un film moyen. Le sentimentalisme est une gangrène.

RETOUR VERS LE FUTUR DE ROBERT ZEMECKIS

C’est gentil, plaisant. Bizarre est l’insistance du cinéma américain ces trois-quatre dernières années sur la famille. Est-elle en crise ou est-ce la crise qui la renforce ? Les producteurs prennent-ils au sérieux les études de marché et font-ils des films pour les adolescents ?
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Spielberg, producteur de celui-ci, ne semble qu’en produire des comme ça. ET ou Young Holmes, par exemple. A-t-on idée de voyager dans le temps pour aller voir ses parents ! L’idée contraire serait plus vraisemblable. Leur idéal du bonheur : deux télévisions, trois voitures, un canapé et le tout dans le cadre des rapports familiaux. L’intérêt de ces films réside dans leur aspect documentaire : la vie des classes moyennes américaines. Plus ou moins idéalisées en fonction du budget du film. Ici, les plaisanteries incestueuses ne peuvent que renforcer l’institution familiale. Cet inceste est tellement impossible que la salle ne peut qu’en rire. De même, la plupart de ces films se passent dans des petites villes, hors du temps, sauf pour ce qui est de la consommation. La morale de Back lo the future est : Agis virilement et tu seras récompensé. Arthur Penn dit qu’il a tourné les poursuites de Target pour continuer à avoir du boulot. On n’ose pas imaginer ce qu’ont dans la tête les types qui vont se faire engager par Spielberg.

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CASTING À HERISSON DE JEAN-PIERRE LIMOSIN

Le génial co-auteur de l’admirable Faux-Fuyants, Grand Prix de Belfort 1983, récidive. Cette fois-ci, il ne s’agit plus du gouffre pouvant exister entre les générations, mais du cheveu à peine perceptible qui flotte entre les espèces (humaine et animales). L’action, aux rebondissements multiples, prend pour prétexte la préparation d’une pièce de théâtre de John Berger, ancien co-scénariste de nombreux films d’Alain Tanner et rollois d’honneur. Cette pièce va être (vraiment) jouée à Hérisson, village du Sud de la France. En ouverture du film, un acteur se présente au metteur en scène. Limosin interprète lui-même, avec une finesse rappelant à la fois Louis Jouvet et Buster Keaton, le rôle de l’acteur. Olivier Perrier, déjà vedette et comment ! de Faux-Fuyants, incarne le metteur en scène. Il est à regretter, l’histoire ne le permettait pas, que le cinéaste n’ait pu nous redonner la joie complice qu’apportait à son chef-d’œuvre précédant la vivacité de Rachel Rachel et la cordialité de Benedict Christiane, modernes et ravissantes jeunes femmes. Passons…
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L’histoire : les théâtreux grégaires vont mépriser l’acteur en le surnommant «Mimosa l’Ecureuil» et en lui laissant entendre que l’actrice principale est une star régionale alors que c’est une truie ! Nous assistons au casting animalier, chien à trois pattes, moutons disparates, etc. Il semble qu’il y ait même un phoque (?) au bord de l’eau. C’est merveilleux… Et plus merveilleux encore, le film va passer en avril sur FR3 et sera donc vu dans de nombreux foyers, dont ceux de Suisse romande, contrairement au si juste Faux-Fuyants qui n’y a jamais été diffusé nulle part. Léchez les vivres !…

OUT OF ORDËR DE CARL SCHENKEL

Un ascenseur en dérangement contient quatre personnes dérangées. Le film n’a pas été tourné dans une vraie cage d’ascenseur. Par contre les acteurs sont de vrais acteurs. Le cinéaste est rat (1948) et bernois. A l’âge de 20 ans, il quitte la paisible capitale de l’Helvétie pour l’Allemagne de l’ouest. Dix-neuf cent quarante-huit plus vingt égale dix-neuf cent soixante-huit ! Il vivra à Francfort, Berlin et Munich. Renée Soutedijk, blonde, vaporeuse et ravissante, la femme dans la cage, est la plus connue et la plus aimée des actrices hollandaises. Gôtz George, l’un des hommes, a tourné dans Vent d’Est de Godard. Le vieux comptable, Wolfgang Kieling, qui s’était enfin décidé à se barrer avec la caisse, tombe dans un ascenseur en panne. Pas de chance…
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Bref, Fassbinder est bien mort et le nouveau cinéma germanique monte et descend…

SAM PECKlNPAH, (1925-1984).

Sam Peckinpah est mort. Il avait cinquante-neuf ans. Son dernier film, Osterman Week-End était raté. Pourtant, nonante pour cent des personnages y mouraient et tout y était admirable-ment stéréotypé… Que de souvenirs ! En 1965, certains étaient allés voir neuf ou dix fois, le Major Dundee et en 1969, La Horde sauvage fit un triomphe. Peckinpah n’avait qu’un atout dans son jeu mais cet atout était de taille : la détermination ! En 1971, dans Les Chiens de Paille n’est-ce pas sur cela qu’il métaphorise ? Un homme résolu en vaut cent… La détermination donne de la franchise à n’importe quel propos.
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Même le happy end, tiré par les cheveux, du Convoi (1978) devient intéressant. Ce film, l’un des plus romantiques de ses dernières années, ose totalement son propos et en transcende sa propre bêtise, rêverie d’adolescent attardé. Spécialiste des plaisanteries pince-sans-rire énormes – la première voiture de l’Ouest, parquée dans une pente, écrase toute seule le premier mécanicien de l’Ouest – Sam Peckinpah ne pouvait que réussir ou rater un film. Les demi- teintes chères au cœur des gens «cultivés» lui étaient interdites. Il n’en est pas mort. Si Pat Garret et Billy the Kid(1973), malgré ou à cause de la musique de Bob Dylan, risque de tomber rapidement dans l’oubli, on se souviendra par contre longtemps des chasseurs de tête qui dans La Horde sauvage se faisaient des confidences sur leurs rhumatismes. Tout comme resteront dans toutes les mémoires les répliques tac au tac, un échange de citations bibliques, de Coups de feu dans la Sierra (1962).
Peckinpah avait du souffle et peu de prétentions. Il nous manquera énormément…

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